Les victoires d’un front féministe antisioniste à Paris : 7 et 8 mars 2025

En cette année 2025, à Paris, un cadre féministe pour la lutte de libération de la Palestine s’est constitué pendant plusieurs mois afin de porter le combat des femmes palestiniennes, trop souvent silenciées, au sein des milieux féministes traditionnels. Or, malgré les attaques de groupes fascistes, sionistes, de leurs soutiens, et des tentatives de répression de l’Etat français, les mobilisations féministes des 7 et 8 mars derniers ont constitué deux moments politiques importants pour la visibilisation du combat des résistantes et des prisonnières palestiniennes, et plus globalement de la lutte pour une Palestine libre, de la mer au Jourdain.

Le 7 mars 2025: vers une intifada féministe :

Depuis maintenant cinq années, Paris voit tous les 7 mars défiler dans ses rues, une marche nocturne féministe radicale en non-mixité (*MTPG) organisée par l’Assemblée féministe Paris Banlieue.

Si déjà l’an dernier, des discours pour dénoncer le génocide à Gaza, des drapeaux Palestiniens et des tags à la gloire de résistantes avaient émaillé la manifestation, il est apparu essentiel aux militantes d’Urgence Palestine et de Samidoun Paris Banlieue d’imposer cette fois-ci un cortège pro-palestinien et d’appeler le plus grand nombre à le rejoindre.

Il s’agissait notamment de rappeler que loin de l’image déshumanisante de victimes passives dépeintes par les discours impérialistes, les Palestiniennes “en tant que combattantes, avocates, journalistes mais aussi en tant que mères, sœurs, compagnes de résistants jouent un rôle central au sein de la résistance palestinienne en organisant et en participant à des opérations, des grèves, des manifestations et en luttant dans les prisons coloniales.”

Très rapidement, ce texte a suscité une vague d’appels à la dissolution d’Urgence Palestine et de SamidounParis Banlieue, par des personnalités sionistes sur les réseaux sociaux. Très sensible aux éructations de ces voix fascistes, le préfet de Paris, Laurent Nunez, a alors pris la décision d’interdire l’ensemble de la marche féministe sous prétexte de “trouble à l’ordre public” en raison précisément de la présence des deux groupes de solidarité avec la Palestine qui ont employé l’expression “de la mer au Jourdain” et fait des références à Leila Khaled. C’est une attaque sans précédent dans l’histoire récente des marches féministes en France qui traduit le degré de fascisation actuel et la volonté constante du gouvernement de faire taire les voix anticoloniales, notamment pro-palestiniennes afin de défendre son alliance stratégique avec l’état sioniste.
Néanmoins, sans tarder, les militantes du cadre féministe antisioniste ont fait paraître un communiqué signé en une journée par plus de cent personnalités et organisations politiques pour dénoncer cette répression.

Parallèlement, l’Assemblée féministe Paris banlieue a judiciairement contesté cette mesure et grâce au travail de la Legal Team Antiraciste et de l’avocate Célia Bert Lazli, le tribunal administratif a statué l’autorisation de la manifestation et contraint le gouvernement à verser 1 000 euros d’amende à la Ligue des droits de l’Homme.

Porté par cette victoire de dernière minute, aux alentours de 19h00, Gare de l’Est, le cortège à la gloire de la résistance des femmes palestiniennes s’est élancé en tête de manifestation, à côté du cortège radical de l’Assemblée féministe Paris Banlieue, suivi par près de 8 000 personnes. Au son des feux d’artifice, des tambours et des voix scandant “Droit au retour pour tous·tes les réfugié·e·s ! Liberté pour tous·te·s les prisonnier·e·s”, deux grandes voiles affichant les portraits peints des résistantes Shatela Abu Ayad et Khalida Jarrar flottaient au vent.
Après avoir marqué des étapes de soutien devant le théâtre de la Gaîté lyrique occupé actuellement par 340 mineur·e·s exilé·e·s et devant le centre LGBTQI+  avec le Collectif Insurrection Trans, la marche s’est arrêtée également sur la place dite Theodor Herzl, du nom du sinistre théoricien du projet colonial sioniste. Le parcours de la manifestation permettait ainsi de mettre en lumière non seulement les modes de résistance des réfugié·es et des minorités de genre mais aussi la Résistance palestinienne et ses soutiens internationaux face aux politiques racistes, coloniales et sexistes menées par l’Etat français et ses alliés impérialistes. In fine, cette marche, promesse d’alliances politiques futures, a ébranlé le projet gouvernemental d’un féminisme vidé de sa portée révolutionnaire et au service de politiques néolibérales. Cette victoire, marque aussi une étape importante dans l’histoire des luttes féministes anticoloniales et pro-palestiniennes en Île-de-France.

8 mars 2025: pas de féminisme sans antisionisme, pas de féminisme sans antifascisme !

Au lendemain de cette première manifestation, le 8 Mars, journée internationale des droits des femmes, le défi était double à Paris : tenir un cortège et faire en sorte que les groupes fascistes et sionistes, “Némésis” et “Nous Vivrons”, ne puissent défiler au sein de la manifestation féministe globale.
En effet, face à l’une des stratégies de la propagande sioniste qui consiste à mettre sur la défensive ses opposants anticolonialistes en les qualifiant d’antisémites, il est nécessaire, comme le disait déjà bien Kwame Ture, d’énoncer clairement notre propre discours offensif. Celui-ci devait prendre ce jour-là la forme d’un cortège en l’honneur des résistantes palestiniennes et de toutes les résistantes de la lutte anti-impérialiste. Aussi, sous un soleil éclatant, à Paris, place de la République, puis boulevard Voltaire, aux côtés des drapeaux kanaks, des drapeaux indépendantistes réunionnais et d’une diversité de collectifs internationalistes, l’on pouvait voir des centaines de manifestant·es, porter les portraits de celles qui chaque jour résistent à la brutalité de l’Occupant sioniste. Il s’agissait des prisonnières récemment arrêtées comme l’étudiante de l’université de Bir-Zeit, Karmel Khawaja, mais aussi les visages de celles qui n’ont pas été libérées lors de l’accord d’échange Toufan Al-Ahrar, comme la doyenne des prisonnières, originaire de la Palestine de 48, Shatela Abu Ayad, ou encore les martyres comme Saadia Farajallah.
Les portraits de ces prisonnières, pour la plupart enfermées à Damon, n’étaient pas seulement portés à Paris, mais aussi à Strasbourg, Nantes, Marseille… – villes au sein desquelles les militant·e·s de la campagne Dismantle Damon avaient aussi mis au coeur des mobilisations féministes, la lutte des prisonnières palestiniennes et de leurs camarades libérées il y a peu, car elles constituent aux côtés de leurs frères, compagnons, enfants, amis l’une des franges les plus avancées de la Résistance

 

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Pour autant, la présence annoncée des groupes fascistes et sionistes “Némésis” et “Nous Vivrons” au sein de la manifestation parisienne, nécessitait aussi de déployer des forces dans une stratégie de défense préparée des mois auparavant. En effet, depuis plusieurs années, à Paris, le groupe suprémaciste blanc “Némésis” et le groupe sioniste “Nous Vivrons”, tentent de s’immiscer, avec violence, au sein des manifestations féministes. Si le premier groupe, soutenu jusqu’au plus haut sommet de l’administration française (cf ministre de l’intérieur Bruno Retailleau), tente de normaliser et diffuser des idées racistes et fascistes, l’autre groupe se revendique ouvertement sioniste défendant l’état colonial dans son historique projet de nettoyage ethnique. Cependant, à chacune de leur présence, la riposte s’est organisée spontanément : des militant·e·s et manifestant·e·s ont confronté ces groupes fascistes pour les exclure des manifestations, avec succès d’abord comme en mars 2023 et ce, malgré la brutalité du service d’ordre du collectif sioniste, essentiellement composé d’hommes armés de gants coqués et de bombes lacrymogènes. Le 23 novembre dernier, en revanche, le dispositif policier déployé autour de ce groupe était tel qu’il a été impossible de les empêcher de défiler.

En prévision du 8 mars 2025 et face à l’incapacité des  grosses organisations féministes blanches et de syndicats qui, pour certains, toléraient et tolèrent encore la présence a minima du cortège sioniste, nous avons décidé avec des camarades femmes d’Urgence Palestine de rédiger un appel : « le 8 mars on arrête tout, surtout les fascistes et les sionistes ».

Signé par près de trente organisations, cet appel aux mots d’ordre antifascistes et antisionistes a permis d’enclencher des discussions avec un bon nombre d’organisations féministes et de se coordonner sur une stratégie collective pour le jour J.

Ainsi, grâce à l’arrêt temporaire de plusieurs cortèges, au cordon formé en queue de manifestation par des camarades déterminé·e·s, à une barricade érigé·e par des manifestant·e·s inventif·ve·s – que nous remercions de tout coeur – et malgré la violence de la répression contre les manifestant·e·s féministes placé·e·s à l’arrière de la manifestation (charges brutales, coups de mattraque au visage, grenades lacrymogènes, interpellations violentes), les deux groupes fascistes et sionistes ont été contraints d’attendre des heures reclus dans un square et une rue près de la place de la République pour finalement défiler rapidement entourés de policiers, dans un boulevard déserté, à la nuit tombée.

Le front large pro-palestinien, antisioniste et antifasciste constitué ce 8 mars 2025 et cette convergence politique à gauche sont une réelle victoire face aux fascistes et aux sionistes. Ils posent et solidifient les bases de futures offensives communes (Voir aussi le premier  communiqué du cadre féministe pour la Palestine). Pour autant, il ne faut pas sous-estimer le travail restant au sein de nombreuses organisations de gauche sur la question de l’antisionisme. De plus, puisque ces récentes victoires antifascistes portent un coup à la politique de l’Etat français, il convient, en tant qu’organisations de solidarité avec le peuple palestinien dans sa lutte de libération, de rester vigilant·e·s face à d’éventuelles mesures répressives à venir.

Liberté pour tous·t·e·s les prisonnier·e·s Palestinien•nes ! 

Palestine vivra, Palestine vaincra !


En savoir plus sur Samidoun : réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens

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