Ibrahim Mar’i Hamed : Rétablir la libération de la Palestine

L’article suivant, écrit par le prisonnier palestinien et leader national Ibrahim Mar’i Hamed, a été initialement publié en septembre 2023 (avant le déluge d’Al-Aqsa) en arabe par le media Palestinian Studies (Majallat al-Dirasat al-Falastiniya). Nous publions la traduction de ce texte, car cela s’inscrit dans notre lutte contre l’isolement des Palestinien•nes emprisonné•es par le régime sioniste, qui cherche à empêcher les peuples palestinien et arabe – et le monde dans son ensemble – d’accéder à leurs idées, leurs pensées, leurs analyses et à couper le leadership de la résistance palestinienne de son berceau populaire international.

Ibrahim Mar’i Hamed, originaire de Silwad, en Cisjordanie (Palestine occupée), est l’un des principaux dirigeants politiques de la résistance et du mouvement de libération palestinien actuellement emprisonnés dans les prisons de l’occupation. Comme Ahmad Sa’adat, Marwan Barghouti, Abdullah Barghouti, Abbas al-Sayyed, Hassan Salameh, Mahmoud al-Ardah et d’autres dirigeants, le régime sioniste a refusé à maintes reprises de le libérer lors des accords d’échange de prisonnier•es arrachés par la résistance palestinienne. Il a été condamné à 54 peines de prison à vie dans les prisons de l’occupation, la deuxième peine la plus lourde de tous•tes les prisonnier•es palestinien•nes, pour avoir dirigé les Brigades Al-Qassam en Cisjordanie. Le dossier de sécurité de Hamed est considéré comme le plus important de l’histoire de l’État sioniste, avec 11 000 pages de dossiers soumis au tribunal.

Rétablir la libération de la Palestine

Par : Ibrahim Mar’i Hamed

Au cours des deux dernières décennies, des réévaluations sérieuses ont ravivé l’attention portée à de nombreux termes et concepts fondamentaux qui avaient initialement façonné la compréhension et les cadres de la lutte palestinienne – des concepts qui, autrefois, définissaient clairement la nature du conflit et les parties impliquées. Cependant, à force d’érosion et d’exposition prolongée, ces concepts se sont estompés et obscurcis, atteignant leur point le plus bas durant l’ère d’Oslo, une période marquée par une perte aiguë de sens.

Certaines de ces réévaluations, souvent nées en réaction au désespoir causé par le contexte né des accords d’Oslo et à une reconnaissance tardive de l’ampleur catastrophique des conséquences de ces accords – ainsi qu’à l’effondrement de tout espoir dans ce qu’on appelait le “processus de paix” ou la “solution à deux États” – ont permis de redécouvrir que nous vivons, en réalité, sous des conditions coloniales. Ces réévaluations ont redéfini le sionisme et son projet, “Israël”, comme des constructions coloniales issues de la longue ère du colonialisme. Dans ces textes qui ont remis au centre la notion de “colonialisme”, le mot “colonial” et ses dérivés peuvent apparaître soixante ou soixante-dix fois en dix pages, comme si la répétition elle-même était un acte de célébration, d’affirmation et de renforcement de cette redécouverte.

Parmi ces penseurs ré-évaluateurs, certains ont eu le courage de pousser cette logique jusqu’à sa conclusion naturelle : si le sionisme est un projet colonial profondément imprégné de racisme, alors l’affrontement que la présence coloniale impose est, par définition, une lutte de libération nationale. Cette conclusion répond à tous les débats et théories avancés au moment d’Oslo – à savoir que “l’étape de la libération nationale” était terminée, et que l’époque actuelle devait être celle de la “construction d’un État”. C’est à ce moment que sont apparues des institutions comme les “Associations d’anciens combattants”, et que les gens ont commencé à raconter leurs activités clandestines passées comme si ce chapitre était clos et que tous les secrets pouvaient désormais être révélés. D’autres ont reproché aux organisations politiques axées sur la libération de ne pas s’occuper des questions sociales ou du développement communautaire, tandis que certains ont tenté de concilier les deux domaines en définissant cette période comme celle, à la fois, de la “libération” et de la “construction d’un État”, se lançant dans des théories de développement durable (ou semi-durable) – après que l’ancien discours sur “la stabilité économique” ait été oublié.

Même celles et ceux qui en sont venus à la conclusion logique que nous étions encore dans une phase de libération nationale n’en n’ont pas tiré la conclusion ultime : revendiquer à nouveau la libération de la Palestine. Beaucoup d’entre eux avaient auparavant abandonné cet objectif au fil des décennies, influencés par une pensée “réaliste” façonnée par les défaites militaires, ou par des convictions idéologiques prônant la coexistence, la réconciliation et la paix.

Mais l’idée de libérer toute la Palestine, et rien d’autre, était – pour le peuple palestinien après la Nakba de 1948 – au coeur de la révolution. Elle était l’ombrelle de tous les objectifs nationaux, la source d’où découlaient tous les autres. Lorsque les organisations palestiniennes ont vu le jour à la fin des années 1950, leurs noms, leurs programmes et leurs textes étaient construits autour du seul objectif de la libération. Il y avait le Front de Libération de la Palestine, et le Fatah lui-même n’était rien d’autre que le “Mouvement National de Libération”. L’OLP est née en tant qu’Organisation de Libération de la Palestine. Ensuite sont venus les Fronts Populaire, Démocratique, Arabe, Palestinien, ainsi que le Commandement Général – tous ayant pour seule et unique mission que celle de libérer la Palestine.

Lorsque les Palestinien•nes ont rédigé leurs chartes fondatrices, sur lesquelles iels ont juré, et qu’iels décrivaient à l’époque comme “la Bible de la Révolution”, c’étaient des chartes de libération – rien d’autre. La première Charte Nationale Palestinienne de 1964, écrite sous la direction d’Ahmad al-Shuqeiri, mentionne le mot libération 22 fois en 29 articles, sans compter les termes comme “libre”, “liberté” ou “peuple libre”. La Charte révisée, qui actualise la première version, mentionne le terme libération 34 fois dans 34 articles. Il est frappant que ni l’une ni l’autre ne mentionne, ni même ne fait allusion à, l’idée d’un “État” ou “État palestinien” comme objectif à atteindre. Au contraire, les articles des deux chartes affirment explicitement et consciemment qu’aucune mission ne dépasse celle de la libération – même pas celle de l’établissement d’un État.

Le processus de remplacement de l’objectif sacré de libération de la Palestine (dont la sacralité est littéralement énoncée à l’article 13 de la Charte nationale palestinienne et à l’article 15 du Pacte national palestinien) par d’autres objectifs secondaires, “moins sacrés” – des objectifs devenus sujets à négociation – s’est fait par un processus de “rationalisation” et de domestication des Palestinien•nes. Ce processus reposait essentiellement sur le fait de les écraser au point qu’iels “apprennent la leçon” suffisamment pour s’orienter vers le “réalisme”. Et il ne serait pas inapproprié de nommer ce processus par le fameux terme : “réalisme révolutionnaire” …

L’exil tragique hors de Jordanie après les événements de Septembre noir – septembre 1970 et juillet 1971 – fut, selon nous, l’origine de la pensée “réaliste”. À ce moment-là, certains ont conclu que nous étions si faibles que nous ne pouvions même pas tenir tête à la “Jordanian Desert Police” – alors comment pourrions-nous affronter la forteresse nucléaire sioniste ? Les projets de solutions politiques ont alors prospéré, à la suite de la défaite de 1967, et les priorités ont basculé : il ne s’agissait plus de libérer la “patrie usurpée” mais de “lutter contre les conséquences de l’agression”. Ces efforts s’appuyaient sur la Résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en novembre 1967, qui est devenue la pierre angulaire du processus de “solution politique” (personne n’en parle aujourd’hui, bien qu’elle ait été citée des dizaines de fois par jour dans les médias à l’époque !). Les puissances mondiales et régionales ont alors commencé à jouer un rôle dans la “rationalisation” et l’acceptation de cette situation, en agitant devant les Palestinien•nes les tentations et les attraits du “réalisme”. Cette adaptation s’est traduite dans les décisions du Conseil national, qui n’approuvait plus aucune politique sans de longs débats et différends.

Nous avons compris plus tard que les désaccords ne portaient pas toujours sur le fond, mais parfois seulement sur la forme, donc la manière dont les positions étaient formulées, présentées et exprimées. Par exemple, selon le Programme Politique intérimaire de l’OLP, qui comporte dix points, une fois l’approbation obtenue pour l’établissement de l’Autorité palestinienne (comme indiqué au deuxième point), il était acceptable d’ajouter le qualificatif “autorité nationale combattante”. De même, l’OLP pouvait être déclarée “seule représentante légitime” au sommet de Rabat en 1974.

Dans ce processus de manipulation, au cours duquel les objectifs suprêmes ont été modifiés et remplacés, trois objectifs nationaux alternatifs ont été proposés pour se substituer au but global de la libération de la Palestine. Comme cela a été annoncé en 1974 — l’année où l’orientation de la direction politique palestinienne a changé — ces objectifs alternatifs sont les suivants :

  • le droit au retour,
  • le droit à l’établissement d’un État,
  • le droit à l’autodétermination.

Ce « discours des droits » s’est alors soumis, et s’est confiné à la logique des lois injustes des Nations unies concernant la Palestine et sa cause.

Le paradoxe ici, c’est que si la « libération de la Palestine » venait effectivement à être réalisée, alors ces « trois droits » — et d’autres encore — seraient automatiquement garantis. Cependant, leur proposition en 1974, a mené à ce que l’objectif de libération soit remplacé et désormais mis de côté. De plus, chacun de ces droits est, par nature, sujet à négociations — ce que l’Histoire a confirmé par la suite. En réalité, cette logique défaitiste a conduit à ce que même ces trois objectifs finissent par être oubliés et abandonnés !

Ce qui est encore plus grave, c’est que l’intériorisation de ces transformations et la mise à l’écart de l’objectif de libération dans l’arène palestinienne ne se sont pas limitées aux acteurs politiques — que certains pourraient excuser en raison des contraintes du jeu politique — mais se sont étendues, plus dangereusement encore, aux intellectuels, aux figures culturelles et personnalités de renom. Beaucoup d’entre elles•eux ont avancé des arguments et des plaidoyers juridiques qui ont conduit à abandonner la possibilité de libérer militairement la Palestine, et ont amené à adopter des convictions en faveur de la “coexistence” et de la lutte contre la “déshumanisation” du conflit en le “ré-humanisant”.

Ce qui est aussi alarmant, c’est que si l’on accepte cette logique, cela revient à inscrire notre faiblesse dans le marbre et à la transmettre de génération en génération — ces générations qui cherchent encore une réponse au défi posé par la perte de la Palestine en 1948. (Et ce défi, en réalité, ne concerne pas seulement les Palestinien•nes, comme certains aimeraient le faire croire, mais il s’agit d’un défi plus vaste qui a touché les capitales arabes et musulmanes : Le Caire, Bagdad, Amman, Damas, Beyrouth, Rabat, Riyad, Téhéran, Sanaa et Khartoum. C’est un défi qui concerne les Arabes et les musulman•es autant qu’il concerne les Palestinien•nes elles•eux-mêmes.)

L’erreur de la pensée politique palestinienne qui a penché vers le « réalisme » — qui a, dans bien des cas, ressemblé à de la passivité — est d’avoir voulu éviter de poser les questions qui auraient mené à des conclusions et des réponses justes. Si la sortie de Jordanie nous a fait prendre conscience des limites de notre force — ou plutôt de l’ampleur de notre faiblesse — alors la véritable question réaliste aurait dû être : quel est le remède pour lutter contre notre faiblesse ?

Et la réponse la plus simple est : devenir forts !

Et la question plus profonde que nous devons nous poser est la suivante : “Comment pouvons-nous atteindre la force souhaitée dans les conditions imposées par la réalité actuelle des 20e et 21e siècles ?”, plutôt que de renforcer et de graver notre faiblesse dans le marbre — comme cela a été le cas sous la logique du “réalisme politique” qui a émergé après la sortie de Jordanie et qui n’a évolué que dans une seule direction. L’une de ses manifestations les plus tragiques et frappantes fut lorsque le président palestinien “réaliste” se tint, perdu et confus, devant les représentants des Nations Unies, déclarant dans des phrases pleines de confusion et d’impuissance :

“Vers qui devons-nous nous tourner ? Où devons-nous aller ? Nous avons accepté l’humiliation, mais même l’humiliation ne nous accepte pas…”

Et puis il supplia :

“Protégez-nous… même les animaux ont quelqu’un pour les protéger !”

La vérité est que la politique ici a été pratiquée à l’envers. La science politique nous enseigne que le pouvoir brut, direct, matériel est un pilier du réalisme politique, pas l’immersion dans la faiblesse et son institutionnalisation. Même la “non-violence” de Gandhi construisait un type de pouvoir — un pouvoir fondé sur la renaissance et l’auto-libération. La réalité, que nous subissons et que nous voulons changer, exige de la force — pas la soumission et la conformité !

Le problème, c’est que cet état d’esprit de faiblesse et de fragilité — dont Mohamed Hassanein Heikal parlait longuement, et qui a rongé l’esprit et le corps de notre entité politique — est devenu bien plus qu’une simple fascination pour le pouvoir, la mentalité et la science de nos ennemis et des “étrangers”. Maintes et maintes fois, on nous a prêché que nous étions incapables de lutter contre “Israël”… Et la situation a maintenant évolué encore plus loin : il y a des Arabes et des Palestinien•nes qui sont arrivé•es au point où iels s’opposent même à l’idée même de libérer la Palestine ! Iels sont même prêts à participer et à mettre au point des plans et des politiques pour contrecarrer et empêcher cette libération.

C’est un niveau perturbant de “réalisme”. Ces ultra-réalistes, dès le premier jour, avaient un engagement faible et étaient idéologiquement et politiquement aliéné•es. Iels ont reconnu “Israël” dès le départ, n’ont jamais cru en la libération de la Palestine, et n’ont jamais soutenu la lutte armée. Mais au moins, iels “n’objectaient pas” si d’autres suivaient ce chemin. Aujourd’hui, cependant, certains d’entre elles•eux s’opposent activement à la Libération. Iels ont des objections théoriques et pratiques, et considèrent leur position comme représentant un “consensus national.” Iels excluent désormais les autres (beaucoup d’autres) de ce consensus, les accusant de défendre des “agendas partisans étroits.” Ainsi, l’adhésion à la libération de la Palestine, qui était autrefois “la mère de tous les objectifs nationaux,” est désormais étiquetée comme une proposition partisane fanatique, irrationnelle et étroite. Ceux et celles qui la soutiennent sont qualifié•es d’extrémistes, sont condamné•es et au mieux, sont rejeté•es comme des rêveurs irréalistes et irrationnel•les !

Il y a longtemps que des appels urgents ont été lancés pour effectuer une révision complète et examiner où en est la situation, en particulier à la suite des catastrophes et des dévastations infligées au peuple et à la cause palestinienne par les accords d’Oslo. Le langage conciliant et évasif qui évite de se confronter à la réalité n’est plus utile. Et sans se confronter aux vérités difficiles — aussi amères et dures soient-elles — il n’y a pas d’espoir pour un quelconque débat ou dialogue significatif.

Afin de contribuer à libérer cette discussion et d’établir certaines conclusions sur lesquelles nous pourrons nous appuyer, nous appelons à ce qui suit :

1 – Reconnaître l’échec

S’il y a un consensus sur quelque chose dans l’arène palestinienne ces dernières années, c’est que la piste d’Oslo et la “solution à deux États” ont totalement échoué. Cela n’a pas seulement été exprimé dans les déclarations, les prises de position et les évaluations de celles et ceux qui rejettent et s’opposent aux accords d’Oslo, mais aussi dans les déclarations, les prises de position, les évaluations et l’amertume des architectes mêmes d’Oslo. Cela inclut les instances à Ramallah — le Conseil National, le Conseil Central et le Conseil Révolutionnaire — qui ont annoncé l’expiration de l’accord. Bien qu’en réalité, iels auraient préféré le contraire, il s’agissait d’une réponse nécessaire au poids et à la pression du moment — particulièrement depuis qu’Oslo a effectivement été annulé par “Israël” lui-même, par ses partis, ses gouvernements, etc, qui l’ont publiquement rejeté, ont mis en œuvre des programmes alternatifs et tourné la page depuis des années, au point que même les signataires “israéliens” d’Oslo l’ont renié et abandonné.

Et si, comme le dit la psychologie, reconnaître le problème est la moitié de la solution, alors le courage et la responsabilité exigent une reconnaissance publique de l’erreur commise en signant les accords d’Oslo — même si beaucoup ne les décrivent pas comme une erreur, mais comme un péché. Le défunt George Habash, dans son honnêteté caractéristique, s’était adressé à sa génération en disant :

“Si ma génération a échoué à réaliser les slogans qui nous guidaient, elle doit au moins analyser les leçons et les causes de cet échec pour que la génération suivante puisse en bénéficier et éviter de répéter ces erreurs.”

S’il y a des leçons et des enseignements à tirer de cette trajectoire échouée, nous en résumons certains comme suit :

A – L’accord d’Oslo a bloqué une Intifada montante, escaladante et prometteuse

On se demande, après ce dénouement amer : L’analyse académique peut-elle aujourd’hui déterminer calmement que l’exploitation politique de l’Intifada de 1987 — que certain•es considéraient autrefois comme un coup brillant — fut en réalité le pire et le plus mauvais investissement ?

Étrangement, la recherche académique palestinienne — sans parler des débats politisés et des polémiques — a évité, voire s’est carrément détournée, de poser les bonnes questions que nous devons maintenant soulever après toute cette dévastation. Ces questions comprennent :

  • Que se serait il passé si les accords d’Oslo n’avaient pas eu lieu, comme c’est le cas pour la Syrie et le Liban, qui n’ont toujours pas signé de traités de paix ?
  • Que se serait il passé si le phénomène de Yahya Ayyash (les opérations martyres), ainsi que d’autres phénomènes issus de l’Intifada, tels que l’enlèvement de soldats et les affrontements audacieux, à bout portant, organisés par Imad Aqel et ses cellules — qui étaient en hausse même pendant les premières années d’Oslo (1993-1996) — avaient été autorisés à atteindre leur pleine dynamique et expression révolutionnaire ?
  • Quels auraient été les résultats et les fruits de cette activité de résistance montante en termes d’indépendance politique et de libération nationale ?
  • L’occupation sioniste ne se préparait-elle pas déjà à se retirer de Gaza en 1992, sans condition, comme l’indiquent les archives de cette période ? L’accord d’Oslo n’a-t-il pas retardé ce retrait, rendant la présence ultérieure des forces d’occupation à Gaza plus commode — jusqu’à ce qu’une seconde Intifada, dotée d’outils de violence révolutionnaire encore plus féroces, force “Israël” à se retirer en 2005 sans conditions ?
  • N’ont-ils pas été nombreux à se demander : La résolution de la crise de la direction palestinienne a-t-elle été priorisée au point de sacrifier toute la cause palestinienne ?
  • La phase actuelle de “reproduction d’Oslo” en Cisjordanie depuis 2007 n’est-elle pas pire que les accords d’Oslo eux-mêmes — que ce soit dans la pratique, ou dans le déni suicidaire et la suppression de la résistance, ou dans l’absence totale d’horizon politique ?
  • Comment la recherche décrira-t-elle cet état d’impuissance, de manque de capacité et d’absence d’alternatives ?

B – Il n’y a pas de paix possible avec le sionisme

Bien qu’il s’agissait autrefois d’un axiome fondamental du consensus politique arabe et palestinien (comme lors du Sommet de Khartoum et par la suite), l’amère expérience des tentatives de paix avec l’entité sioniste a prouvé — sans qu’aucune autre preuve soit nécessaire — que nous avons affaire à un ennemi extrêmement raciste, qui n’a aucune considération pour nous, nos droits ou notre cause, sauf dans la mesure où cela facilite le vol et la profanation de notre terre.

Le sionisme ne cherche pas à nous judaïser, ni à nous civiliser ou nous élever. Il vise à nous détruire, à nous corrompre et à nous vider de notre essence. Du point de vue de celles et ceux qui appellent à la libération de la Palestine et au rejet de la normalisation avec l’occupant, il y a un amère réconfort — ironiquement — de savoir que notre ennemi est tellement fanatiquement raciste qu’il nous expulserait et nous rejetterait même si nous proposions de travailler pour lui comme coupeurs de bois ou porteurs d’eau. Le sionisme a confirmé, de toutes les manières qu’une personne même peu avisée pourrait comprendre, qu’il est fondamentalement incompatible avec la paix ou le compromis.

C – Désespoir et perte de toute confiance dans les négociations

Au-delà des déceptions enregistrées par de nombreux•ses académicien•nes, critiques et observateur•ices spécialisé•es concernant la prestation des négociations palestiniennes (pitoyable) ou la prestation “israélienne” (arrogante et intimidante), la direction palestinienne qui, pendant des décennies, a insisté sur la nécessité de mener des “négociations directes” et les ont poursuivies par tous les moyens — ces mêmes personnes se sont maintenant lavées les mains de tout cela. Ils ne croient plus en l’utilité de ces négociations, même s’ils n’ont pas encore complètement abandonné l’espoir en celles ci par l’intermédiaire d’autres médiateurs.

Mais qu’est-ce que cette longue expérience de négociations nous a enseigné ?

En vérité, ce n’était rien d’autre qu’une pratique futile et épuisante — drainant les fondements et les éléments de notre cause nationale, et sapant son esprit en tant que cause juste et légitime. Si nous devions rassembler les montagnes de documents et de papiers provenant de ces négociations et accords et demander : Quel en a été le résultat ? Notre réponse ne dépasserait pas ce que Farouk al-Sharaa a dit dans ses mémoires :

“Nous n’avons rien attrapé, à part du vent!”

La vérité est que tous leurs gouvernements successifs — de Rabin, Peres, et Barak, à Sharon, Olmert, Netanyahu et Lapid — comme le montrent les documents, témoignages, procédures et politiques, n’ont jamais eu l’intention de nous accorder un “État”. Le plus qu’on nous ait proposé était une autonomie limitée et incomplète. La leçon la plus instructive sur la futilité de négocier avec un tel ennemi est que cet ennemi-même s’est retiré unilatéralement à deux reprises, sans condition, pendant la même période de négociations prolongées :

  • En mai 2000 du Sud-Liban
  • En 2005 de Gaza et de certaines parties du Nord de la Cisjordanie

Ces retraits n’étaient pas le résultat de négociations — mais ont été forcés par une longue et persistante résistance, malgré le déni et l’ingratitude manifestés par les partisans d’Oslo et leurs homologues libanais et arabes.

D – La question de l’alternative

Après la sortie de Beyrouth en 1982, le principal argument présenté par les partisans de la paix à leurs opposant•es était la question : Quelle est l’alternative ? — sur la base de l’hypothèse que la lutte armée depuis l’extérieur avait atteint un point mort.

Mais quelle est leur justification aujourd’hui, après l’échec catastrophique de la solution dont iels rêvaient, qu’iels désiraient, suivaient et dans lequel iels ont entraîné le peuple et la cause nationale  — nous menant à de tels niveaux de dégradation, de recul et de déclin ?

En vérité, la question qu’iels posaient alors se retourne maintenant contre elles•eux après ce bilan amer : Quelle est l’alternative ? Quelle est l’alternative à la négociation et au compromis ? Ces défenseurs de la paix n’ont-iels pas eu amplement de temps — et bien plus qu’il n’en faut — pour expérimenter, s’épuiser et s’éroder ? Existe-t-il encore une marge de manœuvre pour des paris imprudents sur un autre type de solution ?

Il y avait un slogan de la révolution égyptienne — adopté par le mouvement populaire qui en a pavé la voie — qui se résumait dans la phrase : “Assez!”

Assez de négligence et d’indifférence. Assez de continuer dans de telles conditions politiques, économiques et sociales désastreuses.

Ainsi, il ne serait pas inapproprié de répéter ce même slogan ici : La cause palestinienne en a assez, de la perte, de la confusion, de la dépossession et de l’aliénation. Il est temps de la ramener à sa boussole, sa direction et son chemin originel.

Nous avons lu des opinions éclairées et perspicaces dans les pages de ce magazine ces dernières années — écrites par celles et ceux qui, après l’échec de la solution à deux États et l’effondrement du processus de paix, ont appelé à abandonner l’idée de réconciliation avec les sionistes et ont exhorté à se préparer pour une phase de fermeté à long terme.

E – Oslo comme obstacle à la mission de libération nationale

Comme d’habitude, les sionistes ont obtenu de nous, tout ce dont ils avaient besoin par le biais des Accords d’Oslo, puis les ont rejeté — annulé unilatéralement — parce qu’ils ne voient désormais aucun obstacle à leur expansion continue et à leur revendication d’un “droit éternel” sur notre terre.

En réalité, l’attitude de la direction palestinienne à l’époque d’Oslo les a encouragés à insister pour parvenir à une solution décisive à leur conflit existentiel avec nous — et  raviver toutes les idées et projets de déplacement et de transfert de population.

Si certain•es avaient cru, au moment de la signature d’Oslo, que les accords portaient un contenu nationaliste parce qu’ils promettaient un potentiel État palestinien, cette illusion a été balayée lors de Camp David en juillet 2000 et a été définitivement enterrée avec l’assassinat du président Yasser Arafat en novembre 2004.

La phase post-Oslo a vu un rétrécissement significatif de l’espace national. En vérité, elle en est venue à refléter un composant de la machine de l’occupation — un outil de sa domination et de son contrôle.

Le discours d’Oslo lui-même a décrit candidement la réalité :

“Une autorité sans autorité, et une occupation sans coût.”

Si tel est le cas, alors quel est l’intérêt de maintenir Oslo et de s’y accrocher — en particulier ses liens organiques de sécurité, politiques et économiques avec l’occupation ?

Nous croyons que l’une des premières nécessités pour la libération de l’occupation est de nous libérer de ces relations détestables et accablantes, et de nous en débarrasser. Leur existence continue, dans leur forme actuelle et telles qu’elles ont été pratiquées jusqu’à ce jour, reste l’un des fardeaux les plus lourds, des obstacles les plus grands et des barrières les plus ancrées qui se dressent sur le chemin de tout processus véritable de libération nationale.

F – Corriger l’erreur d’Oslo : Retirer toutes les concessions

Certain•es académicien•nes et analystes politiques ont qualifié Oslo (1993) “d’annihilation” (al-halka) — en harmonie poétique et sémantique avec les termes utilisés pour les deux catastrophes précédentes : la Nakba (1948) et la Naksa (1967).

Mais si la dernière évaluation nationale a conclu qu’Oslo était une grave erreur commise contre le peuple et la cause, la question est : Cette erreur peut-elle être corrigée ? Si l’Accord d’Oslo était une erreur, alors quel est le chemin correct ? Et que dire de celles et ceux qui ont commis cette erreur ?

Il est utile de souligner — au moins d’un point de vue juridique, sans parler d’un point de vue politique — qu’Oslo était une “Déclaration de Principes”, et non un “Traité de Paix”. Cela signifie qu’il existe une possibilité de retirer toutes les concessions massives qui ont été faites jusqu’à ce jour — en particulier la “mère de toutes les concessions” : La reconnaissance palestinienne de la “légitimité” de l’entité sioniste, comme déclaré le 9 septembre 1993.

Cela s’ajoute à toutes les autres formes de reconnaissance incluses dans les décisions antérieures des Conseils Nationaux Palestiniens, et celles inscrites dans les accords et protocoles signés au fil des ans.

Mais la question demeure : Qui entreprendra cette noble mission nationale ?

En général, les dirigeants politiques honnêtes — ceux qui se respectent, respectent leurs positions, leurs programmes et leur parole — démissionnent sérieusement et définitivement lorsqu’ils échouent ou sont incapables de mettre en œuvre leurs programmes et leurs politiques. Mais, à la manière typiquement arabe, la démission est ici considérée comme le plus grand signe de confiance renouvelée, de continuation et de survie ! L’échec ne permet plus de mesurer la confiance en un leader, un parti ou une “tribu politique”.

Il était attendu que celles et ceux qui ont mené la scène palestinienne à ces échecs — et ont renouvelé cet échec à maintes reprises — s’excusent au moins pour cela, pour avoir déçu leur peuple, avant même de soumettre leur démission et de quitter la scène.

Si le courage des partisans d’Oslo, les partisans de la “paix des braves”, similaire à la ligne politique qu’ils ont adoptée, ne s’est manifesté que par l’offre de concessions coûteuses — et si leur orgueil instinctif les empêche d’admettre leur échec et leur faute — alors la responsabilité incombe désormais, à notre avis, au peuple palestinien et à ses forces vives, qui ont été excessivement polies et réservées dans la confrontation contre cette situation interne confuse, peu caractéristique d’un peuple connu pour son courage et son initiative.

Le peuple palestinien surprend toujours tout le monde par sa vitalité, sa maturité et sa capacité à surmonter les barrières et les obstacles.

Et pourtant, les Accords d’Oslo n’ont pas été renversés malgré la prise de conscience sur les réseaux sociaux de la nécessité urgente de les abandonner, ce qui est possible, car les signatures de millions de Palestinien•nes et de réfugié•es peuvent être collectées pour provoquer un renversement populaire de ces accords !

Ce qui est encore plus déroutant, c’est que les forces politiques opposées à Oslo — malgré leur victoire écrasante lors des élections de 2006 — ne sont pas allées jusqu’à promulguer des lois ou des résolutions annulant Oslo et ses annexes, et n’ont pas organisé de campagne populaire à travers les communautés palestiniennes pour revenir sur ces accords, étape qui, selon nous, est essentielle pour construire le nouveau consensus national que nous appelons de nos vœux.

2 – Retour aux racines et aux sources

Avec la prolifération des initiatives et des projets de “solutions” dans l’arène palestinienne après la sortie de Beyrouth en 1982, la littérature palestinienne a de plus en plus souligné — par contraste — l’importance des constantes nationales palestiniennes et la nécessité de les maintenir et de ne pas les transgresser.

Ce que l’on entend par « constantes » étaient celles qui ont été introduites après 1974 :

  • le droit au retour,
  • la création d’un État,
  • et le droit à l’autodétermination,

parallèlement à la constante de l’unité de la représentation palestinienne, exclusivement à travers l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

Quant à la constante originelle, celle de la « la libération de la Palestine », sa page a effectivement été tournée après 1982—pratiquement, après qu’elle ait été théoriquement mise de côté par le Programme Politique Interimaire en 10 Points. Ce document a accompli l’avertissement aigu et prémonitoire du penseur Hanna Mikhail (Abu Omar) — une figure de proue du courant démocratique au sein du mouvement Fatah avant sa mort prématurée en 1976 — selon lequel le véritable but de “l’étapisme” n’était pas de libérer la Palestine étapes par étapes, mais plutôt de reconnaître “Israël” étapes par étapes ! Et c’est exactement ce que la suite de l’Histoire a prouvé.

Finalement, les concessions de 1974 — ces « constantes » — en sont venues à être qualifiées de « demandes minimales » ! En vérité, ce « minimum » a été façonné par les résolutions injustes du Conseil de sécurité de l’ONU, et n’était pas le produit de la pensée palestinienne ou des décisions de leurs Conseils Nationaux.

En effet, tout observateur•ice attentif•ve de la transformation de la pensée politique palestinienne constatera qu’il s’agissait essentiellement de l’invention de terminologies et de concepts pour se conformer et s’aligner sur ce que l’on appelle la « légitimité internationale » — une « légitimité » dont l’adoption nécessitait non seulement de dépouiller la légitimité de l’ancienne lutte de libération, mais de la remplacer par la légitimité du statu quo colonial et la reconnaissance d’”Israël” comme une réalité politique absolue, avec des instructions strictes de ne dévier de ce cadre d’aucune manière.

Ainsi, ces nouvelles constantes palestiniennes proviennent de la constante maîtresse de la « légitimité internationale » injuste. D’un point de vue national, peu importe à quel point leur vocabulaire juridique et politique peut sembler séduisant, ces constantes sont corrompues, défectueuses et déformées.

Aujourd’hui, après l’échec catastrophique de toute cette trajectoire — et avec toutes ces « constantes » qui se sont substituées à l’objectif organique de « la libération de la Palestine », et qui sont maintenant ébranlées jusqu’à leurs racines — y a-t-il encore une place pour ce processus de solution pacifique et son lot de nouvelles expériences, d’embrouilles et de renouvellements sans fin ?

D’autant plus que le monde d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a cinquante ans, lorsque ces concessions palestiniennes ont été formulées ; et que l’équilibre des pouvoirs aux niveaux international, régional et local connaît désormais un changement fondamental et décisif ; et que notre position en tant que peuple et cause en 2023 n’est pas celle qu’elle était en 1974—ni en 1948.

L’un des principe les plus célèbres du camp des partisans des accords et de la négociation, après avoir intégré leur incapacité à libérer la Palestine, était de remettre la question de sa libération aux générations futures. Mais il ne s’agissait pas seulement de céder ce rôle aux générations actuelles — cela équivalait à léguer aux générations futures non seulement l’incapacité de libérer, mais même l’incapacité de conserver l’objectif de libération lui-même — comme un but présent, valable et réalisable, mais bien de le supprimer et tourner la page.

La vérité est que les nouvelles générations nous surprennent constamment. Elles n’ont jamais renié leurs sources et racines. Elles n’ont pas besoin d’une mobilisation excessive, de théorisation, ou de formulations compliquées. En réalité, elles restent souvent ignorantes des contorsions du “réalisme” et des chemins empruntés par celles et ceux qui manque de confiance en leur capacité libératrice. La conscience nationale innée et in-altérée de ces nouvelles générations se manifeste dans leurs réactions à tous les aspects de l’occupation, à laquelle elles dédient toute leur énergie et leur motivation.

Et il est tout à fait approprié pour les forces vivantes, pensantes, cultivées et politisées —et pour tous•tes celles et ceux qui se soucient de la cause palestinienne — d’aider à revenir aux racines et aux sources de la lutte de libération nationale, et, en chemin, à balayer tous les décombres accumulés.

3 – Un appel à un nouveau consensus national palestinien pour restaurer le consensus original : “La libération de la Palestine”

Le passage d’un programme de “libération totale” à celui d’un “État sur les frontières de 1967” s’est fait à travers une longue série de rationalisations, de délibérations et de domestications. Des termes flous comme « tactiques », le vague « non », et d’autres expressions timides sont devenus des euphémismes courants pour esquiver le consensus national instinctif et naturel : l’objectif de la libération de la Palestine.

Les tacticiens ont eu toute latitude de s’exprimer — et plus encore — à partir de 1988, lorsqu’ils ont prétendu avoir construit un nouveau “consensus”. En réalité, ce qu’ils ont fait, c’est éliminer et marginaliser de larges secteurs de notre consensus politique et de lutte.

Ironiquement, ce deuxième « consensus », nouvellement créé, s’éloignant de l’original et de ses principes sacrés, a essayé de dissimuler autant que possible ses déclarations et ses positions. Mais une fois que les accords d’Oslo ont été signés, ce camp a commencé à émettre des déclarations flagrantes annulant le consensus original — ses chartes, ses pactes et ses engagements. Cependant, il n’a pas été facile d’effacer ce qui était autrefois appelé “la Bible de la Révolution” avant que, après un long chemin de rationalisation, de reformulation et de domestication, cela ne soit fait avec les moins de réaction possible.

Aujourd’hui, après les résultats désastreux de ce « second consensus », le peuple palestinien est appelé à rétablir un nouveau consensus — qui, en vérité, est un retour au consensus original.

Lorsque nous parlons des Palestinien•nes et du « peuple palestinien », nous avons constaté — après Oslo et après l’effondrement de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), qui semblait avoir mis fin à son rôle historique lors de la signature des ces accords, et qui avait été autrefois justement décrite comme « la patrie morale symbolique des Palestiniens » — une fragmentation de l’identité palestinienne unifiée que l’OLP avait cherché avant tout à consolider et à incarner.

Après Oslo, nous avons été confronté•es à de multiples identités palestiniennes. Parmi les diverses communautés palestiniennes, les Palestinien•nes de 1948 ont formé, selon les chercheurs et les observateurs, la question centrale du débat post-Oslo — non seulement sur des questions d’identité, mais aussi sur l’avenir, l’État et le destin.

Mais de manière générale, le peuple palestinienne dans son ensemble a été dominé par la confusion, la perte et le manque de direction.

Notons ici que pendant l’apogée du déluge d’Oslo — lorsque tout le monde semblait submergé — nous nous sommes trouvés, seuls ou presque, à résister au mal sioniste enraciné sur notre sol. Nous avons dit, la tête hors de l’eau et la vision claire : nous n’étions sûrs de rien dans cette confusion, sauf de lutter contre ce mal, avec comme seul champ de confrontation celui qui nous donnait un sens de vie libre et digne.

L’aliénation était devenue suffocante, et les choses, les mots, et les significations ne ressemblaient plus à rien. (Les prévisions pessimistes du professeur Ghassan Salameh, formulées dans une série influente de cinq parties de littérature politique sur les dangers qui menaçaient la région dans un numéro de la revue Arab Futur durant l’été 1993 — se sont avérées exactes lorsqu’il a prévu notre entrée dans des époques d’annexion, d’infiltration, d’écrasement, d’incinération et de suffocation.)

À ce moment-là, nous avons refusé de faire partie des masses noyées. Il n’y avait pas de place pour des gens comme nous—ni dans les rues, ni dans les forums publics stériles et sans vie, ni dans les arènes médiatiques jaunes. Nous marchions comme des gens sur des braises… Nos places et états naturels demeuraient — comme ils le sont encore — soit sous la terre sacrée, soit dans un centre de détention, soit sur le champ de bataille.

À l’époque, nous disions :

« Que tous les rêves meurent si notre rêve de libérer la Palestine meurt. »

Ces dernières années, lorsqu’on parle du « peuple palestinien », l’on reconnaît à nouveau toutes les composantes de ce peuple—pas seulement celles des territoires occupés, comme cela était sous-entendu dans le discours politique et médiatique dominant après Oslo.

Ainsi, les Palestinien•nes dans le discours politique et médiatique d’aujourd’hui sont les 14 millions de personnes qui composent maintenant la population totale de la nation (comme l’a également cherché à affirmer, vérifier et nous rappeler sans cesse le Bureau central palestinien des statistiques).

La question la plus cruciale (surtout après l’échec d’Oslo et de la solution à deux États — qui, au mieux, n’aurait concerné qu’une partie du peuple palestinien, sur une partie de la terre palestinienne, laissant le reste des Palestinien•nes en dehors de celle-ci, et c’était la critique la plus sévère adressée à Oslo) est la suivante :

Comment pouvons-nous formuler un programme politique et de libération qui représente les espoirs, les ambitions, les aspirations, les objectifs et les visées des 14 millions de Palestinien•nes—de manière égale et totale ?

De manière totalement claire : il n’existe pas de programme autre que celui de la libération de la Palestine qui puisse répondre à cette question existentielle et basée sur la libération. C’est le seul programme qui puisse satisfaire les besoins et les aspirations de tous•tes les palestinien•nes. Il ne s’agit pas de rêverie idéaliste cherchant une justice absolue. Il ne s’agit pas de rigidité idéologique ou d’obstination dogmatique.

Revenir au « sommet de tous les objectifs nationaux » — à son essence et à son pilier fondamental — vient après un chemin d’expérimentations de toutes les alternatives concevables. Ces alternatives n’ont amené qu’à du temps gaspillé, des occasions manquées, des trahisons pour des générations successives. Ceux qui ne croyaient plus à l’objectif de libérer la Palestine, qu’ils ont vu comme lointain et inatteignable, sont arrivés à un point où ils ont abandonné les choix et les « solutions » qu’ils cherchaient, imaginant qu’elles étaient une corde de salut.

L’objectif de « libérer la Palestine » n’est pas uniquement lié à l’échec des solutions pacifiques, bien que cet échec ajoute de la légitimité à la restauration de cet objectif. Il nous épargne aussi le besoin de reproduire beaucoup des arguments que nous avions utilisés pour justifier de garder « la libération de la Palestine » comme notre objectif central — insistant pour qu’il ne soit jamais renversé, au nom de tous•tes les Palestinien•nes.

Même si les solutions pacifiques avaient réussi, cela n’aurait pas invalidé les efforts de celles et ceux qui appelaient à la libération de la Palestine — car cet objectif est originel et naturel, tandis que la voie de la négociation est l’exception, la déviation du chemin naturel — peu importe ce qui a été prétendu à propos du « consensus » autour de cette aliénation et exception !

Aujourd’hui, nous sommes à nouveau appelé•es à revenir à l’origine, aux racines, et à le déclarer ouvertement — même si cela prend des décennies (même trente ou quarante ans), car cela reste le chemin le plus court vers la libération. Surtout dans une époque comme la nôtre, où l’histoire avance à un rythme rapide, marqué par des changements fluides et des opportunités rapides.

Et finalement, la libération — comme dans toutes les expériences historiques—dépend de notre volonté. Nos générations actuelles possèdent des niveaux élevés de préparation pour la lutte, les qualifiant pour résister — dans un contexte international de changements profonds qui permettent d’atteindre des étapes sur la voie de la libération, si la lutte est organisée et cohérente avec le véritable chemin de la libération.

Ainsi, revenir à la libération de la Palestine, c’est revenir à la cohésion, l’harmonie et l’intégration totale dans la lutte de tous•tes les Palestinien•nes. C’est le retour de l’âme au corps — après qu’Oslo nous ait poussé à ne plus ressembler à nous-mêmes.

Certains pourraient soutenir qu’il existe aujourd’hui des catégories de Palestinien•nes pour lesquels « libérer la Palestine » n’est plus pertinent, ou qui ne l’adoptent plus comme leur objectif — et c’est à prévoir.

Par conséquent, le consensus que nous appelons de nos vœux ne s’arrête pas aux quatorze millions de Palestinien•nes seulement. Même s’iels étaient tous d’accord à l’unanimité, nous ne pouvons-nous passer de l’impérieuse nécessité d’élargir ce consensus pour y inclure notre environnement arabe et islamique, et au moins, le Levant.

La cause de la Palestine—comme le soulignent tous les documents palestiniens—est une cause large, collective, profondément liée à son environnement. Les Palestinien•nes se sont toujours considérés comme l’avant-garde de leur nation.

Attendre que ceux qui ont perdu la conviction dans la libération de la Palestine soient convaincus à nouveau n’est qu’une autre perte de temps !


En savoir plus sur Samidoun : réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens

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