Ali al-Sarafiti : Le martyr d’un prisonnier libéré en lutte

Le jeudi 24 avril 2025, le prisonnier libéré et combattant, Ali Nidal al-Sarafiti, 44 ans, s’est élevé en martyr avec sa femme, Nermeen, et leurs trois enfants, Nidal, Hosni et Sarah, lors d’un bombardement de l’armée sioniste contre leur maison à Sheikh Radwan, au nord de la ville de Gaza – attaque qui s’inscrit dans le cadre du génocide en cours contre le peuple palestinien, en particulier à Gaza, depuis plus de 17 mois. Ali Nidal Al-Sarafiti est l’un des nombreux·ses prisonnier·es libéré·es à Gaza assassinés lors des massacres commis par le régime sioniste.

Né en 1981 à Gaza, il rejoint le Front Populaire pour la Libération de la Palestine en 1997, à l’âge de 16 ans. Il participe activement à l’Intifada Al-Aqsa qui éclate en 2000 dans un contexte de rejet massif de la dévastation causée par les accords d’Oslo et le soi-disant « processus de paix », avant d’être arrêté par l’occupation le 17 juillet 2002 accusé d’avoir tenté de mener une opération martyre. Après avoir passé 13 ans dans les prisons sionistes, il est libéré en 2015 et a continué à défendre les prisonnier·es palestinien·nes et leur libération jusqu’à son martyr.

Wael al-Jaghoub, l’un de ses camarades et leader du mouvement des prisonnier·es palestinien·nes, libéré dans le cadre de l’accord d’échange de prisonnier·es “Toufan al-Ahrar” arraché par la résistance palestinienne et la fière et inébranlable population de Gaza, lui a rendu hommage dans une texte émouvant :

Encore une journée de liberté baignée de sang. Les brises de la liberté abaissent leur bannière en hommage aux martyrs de ce matin tragique : Ali, Nermin et leurs enfants. Pardonne-moi, belle Sarah, le temps ne m’a pas permis de t’apporter le cadeau que je t’avais promis. Nous sommes au sommet de notre impuissance.

Ô frère et ami, comment puis-je faire ton éloge ? Quels mots pourraient apaiser le feu de cette mort perfide, avide du sang palestinien versé ? Les mots eux-mêmes sont devenus muets, incapables d’apaiser notre blessure ou d’exprimer notre chagrin !

Combien de chemins de souffrance parcourons-nous seuls ! Avec quelle honte notre sang est étalé sans vergogne sur les tables de toutes les crapules qui conspirent contre notre fermeté.

Vingt ans de véritable amitié, à une époque où tout est faux.

Ali Nidal Al-Sarafiti et sa famille… les martyrs de ce matin : un titre de plus, passant naturellement de mort en mort dans cette ère de génocide.

Je vous aime pour toujours, avec tout l’amour que cette terre peut contenir.

Gloire aux martyrs.

Ali al-Sarafiti était le frère de deux autres martyrs : Hosni, assassiné lors d’une précédente attaque sioniste sur Gaza, et Mohammed, martyr en 1994 lors d’une confrontation avec les forces d’occupation sionistes sur le côté est de la bande de Gaza. Son père, Nidal al-Sarafiti, était également un ancien prisonnier détenu par le régime colonial.

Ali a participé au mouvement des prisonnier·es lors de son incarcération dans les prisons de l’occupation. En 2013, il a été placé en isolement pendant plus d’un mois et demi après avoir attaqué un gardien de la prison de Nafha. Pendant les neuf années de son emprisonnement, sa famille n’a pas été autorisée à lui rendre visite.

À sa libération, le 6 juillet 2015, il a été accueilli par son peuple, sa famille et sa communauté. Lors de sa réception, il a affirmé :

“Les prisonnier·es resteront fidèles à l’unité et à la voie qu’a emprunté notre lutte […]. Nous nous tenons fermement aux côtés de nos frères, les hommes de la Résistance… La Résistance est le fer de lance de tout combattant palestinien… C’est pourquoi nous appelons toutes les masses de notre peuple palestinien à se rassembler autour d’elle, et non autour de vaines négociations.”

A son retour à Gaza, il a poursuivi son activité de soutien au mouvement des prisonnier·es ; en 2018, il expliquait les activités du Comité des prisonnier·es du FPLP à Gaza à l’occasion de la Journée des prisonnier·es palestinien·nes, en lien avec la Grande Marche du retour et Breaking the Siege. Lors de cette intervention, il avait appelé à mener des campagnes pour mettre fin à la détention administrative (emprisonnement sans inculpation ni procès) et pour libérer les prisonniers malades qui subissent la politique de négligence médicale délibérée du régime sioniste.

En 2016, il mettait en lumière le cas de Bilal Kayed, transféré en détention administrative à la fin de sa peine, et qui avait mené une grève de la faim de 71 jours. Ali avait alors appelé à “une action de la résistance pour forcer l’ennemi à cesser son attaque brutale et à céder sur les demandes légitimes des grévistes de la faim.”

En 2021, il devient porte-parole du Centre Handala pour les prisonnier·es pour lequel il s’est exprimé fréquemment entre 2021 et 2022 sur les mouvements et les grèves de la faim menées à cette période, face aux attaques du régime colonial sioniste visant à faire reculer les droits acquis au cours des décennies de lutte du mouvement des prisonnier·es.

En 2023, il s’exprimait à nouveau sur les luttes du mouvement des prisonnier·es à l’intérieur des prisons d’occupation :

Au moment de son martyre, la Jeunesse de la vengeance et de la libération des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du mouvement Fatah, a publié un communiqué saluant al-Sarafiti pour sa lutte continue, déclarant que :

notre martyr héroïque n’a jamais quitté les champs de bataille contre l’ennemi sioniste dans toute la Palestine. Il était responsable du recrutement et du financement de plusieurs cellules de résistance en Cisjordanie occupée, et de la direction de plusieurs opérations qui ont fortement impacté l’armée coloniale sioniste.

Depuis le 7 octobre 2023, notre martyr dirigeait un groupe de nos combattants dans la bande de Gaza, lançant des roquettes sur les colonies ennemies et visant les forces de l’ennemi sioniste lancées dans l’offensive terrestre”.

Ali al-Sarafiti fait partie des prisonniers libérés qui ont été la cible d’assassinats et de massacres par le régime sioniste dans toute la Palestine occupée. À Gaza, après le 7 octobre 2023, les prisonniers libérés suivant ont été assassinés (liste non exhaustive) :

  • Nashat Ahmad, martyr lors du bombardement de sa maison familiale le 7 avril
  • Jaber Ammar (Abu Ali), qui a passé 14 ans dans les prisons sionistes et a été libéré lors de l’échange de prisonnier·es de 1983, martyr le 25 mars
  • Jibril Jibril, de Qalqilya, libéré lors de l’échange Wafa al-Ahrar et déporté à Gaza ; son corps a été retrouvé le 18 février
  • Ali al-Maghribi, réfugié palestinien du camp de Dheisheh, libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar et expulsé vers Gaza, martyr le 15 janvier
  • Khaled al-Najjar, libéré lors de l’échange Wafa al-Ahrar, originaire de Silwad, à l’est de Ramallah, et membre de la direction du Hamas en Cisjordanie, martyr le 27 mai 2024
  • Rami Abu Mustafa, ainsi que de nombreux membres de sa famille, lors du bombardement de tentes abritant des personnes déplacées à Hamad City, au nord de Khan Younis, le 2 janvier. Il avait passé 20 ans dans les prisons de l’occupation avant d’être libéré en 2022.
  • Raed Khaled Ghabayen, mort en martyr avec sa femme et leur petite fille grièvement blessée, lorsque leur tente à Az-Zawaydeh, au centre de Gaza, a été bombardée par l’occupation le 8 décembre 2024
  • Murad Rajoub, d’al-Khalil, libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar alors qu’il purgeait une peine de 38 ans et déporté à Gaza ; mort en martyr lors d’une opération sioniste dans la ville de Gaza le 22 novembre 2024. Les forces d’occupation ont attaqué sa famille et leur ont interdit d’organiser une cérémonie de deuil à al-Khalil.
  • Abdul-Aziz Salha, originaire de Deir Jarir, à l’est de Ramallah, déporté à Gaza et libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar, assassiné à Deir al-Balah le 3 octobre 2024.
  • Abu Ali Abu al-Jedian, prisonnier libéré, martyrisé le 15 septembre lors d’une attaque de l’occupation sur Beit Lahia
  • Ahmed Ghoneim, martyr avec trois membres de sa famille le 10 mai 2024 lors d’une attaque sioniste contre leur maison dans le nord de Gaza
  • Nidal Akram Abu Shukheidam, d’al-Khalil, libéré lors de l’échange Wafa al-Ahrar et déporté à Gaza, martyr le 19 avril 2024
  • Akram Salameh, martyr assassiné le 6 avril 2024, dirigeant du mouvement Hamas et de la sécurité intérieure de Gaza, condamné en 1996 à 30 ans de prison et libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar. Le frère de Hassan Salameh, qui purgeait l’une des plus longues peines dans les prisons sionistes, était détenu dans la tristement célèbre clinique de la prison de Ramleh, où il aidait et assistait les prisonniers malades dans leurs besoins quotidiens.
  • Yousef Dheeb Abu Uday, de Kufr Ni’ma près de Ramallah, libéré lors de l’échange Wafa al-Ahrar et déporté à Gaza, martyr le 14 février 2024 lors du bombardement de Rafah ;
  • Hazem Hassanein, martyrisé avec sa femme et ses deux enfants lors du bombardement génocidaire de Gaza par l’occupation le 12 janvier 2024, dans un cas étonnamment similaire à celui d’Ali al-Sarafiti. Il a passé 16 ans dans les prisons de l’occupation et a été le porte-parole d’Asra Media, le bureau d’information des prisonnier·es.
  • Mohammed al-Udaini, prisonnier libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar et martyrisé le 11 janvier 2024.
  • Abdel-Fattah Maali, de Salfit, libéré lors de l’échange Wafa’ al-Ahrar et déporté à Gaza, et l’un des premiers membres des Brigades Izz el-Din al-Qassam, assassiné par l’occupation le 30 décembre 2023
  • Ahmed al-Fajem, de Bani Suhaila, libéré dans le cadre de l’échange Wafa al-Ahrar et martyr à Khan Younis le 24 décembre 2023.
  • Mohammed Ibrahim Hamada, de Sur Baher à Jérusalem, libéré dans l’échange Wafa al-Ahrar et déporté à Gaza, porte-parole du mouvement Hamas pour Jérusalem, dont le martyre a été annoncé en novembre 2023
  • Fursan Khalifa, du camp de réfugiés de Nour Shams à Tulkarem, emprisonné en 2003, libéré et déporté à Gaza dans le cadre de l’échange Wafa’ al-Ahrar de 2011, combattant de premier plan au sein du Hamas et des Brigades al-Qassam, mort en martyr le 25 novembre 2023. Son frère Fares Khalifa – également un prisonnier libéré qui a passé 14 ans dans les prisons de l’occupation – est mort en martyr le 15 janvier 2024 lorsqu’il a été abattu de sang-froid au poste de contrôle d’Anab, près de Tulkarem ; les forces de l’occupation ont empêché les ambulances de lui porter secours, ne les laissant passer qu’une fois sa mort déclarée.
  • Ahmad Abu Jazar, martyr avec 10 membres de sa famille le 13 octobre 2023 après que leur maison à Rafah ait été bombardée par l’occupation. Il avait été libéré moins d’un an auparavant après avoir passé 19 ans dans les prisons de l’occupation.
  • Abdul-Rahman Shehab, martyr le 12 octobre 2023 avec sa femme, ses enfants et sa mère après que leur maison à Jabaliya ait été bombardée par les forces d’occupation. Directeur du Centre d’études Atlas, il a passé 23 ans dans les prisons de l’occupation et a publié de nombreux livres et études sur la cause palestinienne. Pendant son incarcération dans les prisons de l’occupation, il était le chef des prisonnier·es du Jihad islamique.
  • Abdullah Abu Seif, originaire d’al-Khalil, libéré lors de l’échange Wafa al-Ahrar et déporté à Gaza, martyr le 9 octobre 2023 lors du bombardement de sa maison.

L’assassinat d’Ali al-Sarafiti est le dernier exemple en date de cette politique d’assassinats des prisonniers libérés, qui s’inscrit dans le cadre du massacre et du génocide de l’ensemble de la population palestinienne. La liste ci-dessus est très incomplète et n’aborde même pas la question des dizaines de prisonniers palestiniens libérés qui ont été martyrisés au cours des 18 derniers mois en Cisjordanie et à Jérusalem.

Comme Ali al-Sarafiti, les prisonnier·es libéré·es représentent la continuité de la lutte, génération après génération, pour une libération totale. A l’intérieur comme à l’extérieur de la prison, il a continué à représenter le mouvement des prisonnier·es et à porter la lutte pour la libération de la Palestine. Alors que les prisonnier·es palestinien·nes sont la cible d’une “politique de mort lente” – assassinats par la torture et le refus de soins médicaux – les prisonniers libérés sont ciblés pour priver le peuple palestinien de ses dirigeants et de celles et ceux qui combattent pour la défense de leur peuple et de leur terre.

Toutes les puissances impérialistes qui continuent d’armer, de financer et de soutenir le régime sioniste – les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Canada, etc. — sont pleinement responsables de ces crimes. Nous exhortons tous·tes les partisans de la Palestine à agir, à confronter les responsables et à intensifier les actions et mobilisations pour mettre fin au génocide, imposer des comptes aux responsables, et soutenir la lutte pour la libération de tous·tes les prisonnier·es palestinien·nes et, fondamentalement, vaincre et démanteler le sionisme et le régime sioniste, pour une Palestine libre de la rivière à la mer.


En savoir plus sur Samidoun : réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens

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