Mardi 26 avril à Paris, une audience au Conseil d’État se tenait pour étudier le recours en suspension déposé par le Collectif Palestine Vaincra suite à l’annonce de sa dissolution décidée en conseil des ministres le 9 mars dernier. Un recours en annulation a également été déposé mais sera étudié dans plusieurs mois. Aux côtés des deux avocats du Collectif Palestine Vaincra, Maître Brandely et Maître Crusoé, plusieurs associations étaient représentées en tant qu’intervenantes volontaires (l’AFPS, l’UJFP et l’Union syndicale Solidaires).
La représentante du Ministère de l’Intérieur a tenté de faire valoir que les publications sur les réseaux sociaux du Collectif Palestine Vaincra incitaient à l’antisémitisme et à des « actes terroristes » (sans jamais définir lesquels) comme celles qui appellent au boycott de l’apartheid israélien. Les avocats ont défendu le droit au boycott, confirmé par la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en juin 2020 qui a condamné la France pour entrave à la liberté d’expression suite à sa condamnation de militants qui appelaient au boycott de produits israéliens. Tentant de contourner l’argument, le ministère a affirmé qu’ils ne contestaient pas le droit de boycotter, même si les documents et les décrets contestent en fait explicitement le droit de boycotter.
Ensuite, il y a eu de longs échanges sur la modération des commentaires sur les réseaux sociaux. Les avocats du Collectif Palestine Vaincra ont relevé certains commentaires violents et racistes sur la page du ministre de l’Intérieur Darmanin pour illustrer les failles de cet argument. Par ailleurs, la représentante du ministère a également menti sur l’existence de certains commentaires (dont aucun n’émane du Collectif Palestine Vaincra lui-même et dont certains ne sont pas liés à ses publications).
La discussion s’est ensuite prolongée autour d’un article sur le site du collectif intitulé « Le Hamas désigné comme « organisation terroriste » par l’Etat britannique : ripostons ! ». Il y a eu un débat pour savoir si des personnes en France sont autorisées à être en désaccord avec le fait que la Grande-Bretagne classe le Hamas comme une organisation terroriste. L’avocat de l’AFPS a souligné que l’association adopte plusieurs de ces positions politiques et qu’invoquer ce type d’arguments signifierait la dissolution de nombreuses organisations. Ensuite, ils ont aussi évoqué le soutien au communiste libanais Georges Abdallah et tenté d’utiliser cela comme une allégation, citant son statut de membre d’honneur du collectif (bien que cela n’est pas dans le décret). La vacuité de ce type d’accusation est évidente quand on sait que le plus ancien prisonnier politique d’Europe est également citoyen d’honneur de plusieurs municipalités françaises. Après cela, l’audience s’est terminée et la décision sera rendue dans les prochains jours.
🇵🇸 Des délégations d'organisations politiques, syndicales et associatives se rassemblent à Paris pour dénoncer la dissolution d'organisations pro-palestiniennes alors qu'une audience a lieu au conseil d'État. A bas la répression du mouvement de solidarité avec la Palestine ! pic.twitter.com/isLVP3ei4i
— Samidoun Paris Banlieue (@SamidounPB) April 26, 2022
Parallèlement, un rassemblement se tenait non loin de là pour dénoncer la dissolution de deux organisations pro-palestiniennes, le Comité Action Palestine et le Collectif Palestine Vaincra. Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies arborant des banderoles et pancartes de solidarité ainsi que des drapeaux pour la Palestine. Des représentants de plusieurs organisations avaient fait le déplacement, en particulier de la Campagne unitaire pour la libération de Georges Abdallah, de la CGT, de Révolution Permanente, de l’Association Nationale des Communistes, de CAPJPO-Europalestine, du Comité Montreuil-Palestine, de l’AFPS, de BDS Paris Banlieue, de Samidoun Région Parisienne ou encore du Comité contre la dissolution du Collectif Palestine Vaincra qui est intervenu durant le rassemblement :
« Bonjour, j’interviens au nom du Comité contre la dissolution du Collectif Palestine Vaincra qui est un comité toulousain qui réunit une trentaine d’organisations politiques, syndicales et associatives. Nous nous sommes réunis car nous avons bien compris qu’à travers ces dissolutions c’est l’ensemble des organisations progressistes, antiracistes et anticolonialistes qui sont visées par la radicalisation autoritaire du gouvernement. Plus que jamais, nous devons construire une riposte large et unitaire pour contester ces dissolutions comme celle du Collectif Palestine Vaincra mais aussi pour combattre la criminalisation croissante du mouvement de solidarité avec la Palestine et plus largement pour faire reculer l’offensive sécuritaire du gouvernement. »
Par ailleurs, des initiatives étaient organisées à Tarbes et Annecy faisant écho au rassemblement parisien.
Cela vient compléter les nombreuses initiatives de solidarité avec le Collectif Palestine Vaincra qui ont déjà eu lieu en Palestine, Liban, Tunisie, Italie, Suisse, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Espagne, Canada, États-Unis, Chili, etc. Plus que jamais, ce qui se joue autour de l’interdiction du Collectif Palestine Vaincra concerne l’ensemble des organisations anticolonialistes et antiracistes. La construction d’un front face à la radicalisation autoritaire du gouvernement Macron est un impératif politique !