La question carcérale dans la colonisation : de la Kanaky à la Palestine

La peine de déportation

Vendredi 5 juillet, la France annonçait le maintien en détention provisoire sur le sol métropolitain de 5 prévenu•es kanak, sur les sept « leaders » indépendantistes qui avaient été déporté•es le 23 juin. Les annonces consécutives de l’arrestation de 11 indépendantistes, puis de 9 détentions provisoires (dont Joël Tjibaou et Gilles Jorédié, incarcérés à Camp-Est) et surtout celle de 7 incarcérations dans l’Hexagone (Christian Tein, Frédérique Muliava et Brenda Wanabo-Ipeze, Dimitri Tein Qenegei, Guillaume Vama, Steve Unë et Yewa Waethane), à plus de 17 000 kilomètres de leurs terres, avaient ravivé les mobilisations débutées un mois plus tôt dans le cadre de la lutte contre le projet de dégel du corps électoral. Suspendu après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, ce projet revient en fait sur les acquis des accords de Nouméa signés en 1998, et s’inscrit directement dans la stratégie de renforcement du colonialisme français en Kanaky en élargissant la possibilité de vote à un nombre encore plus important de colons, rendant les kanak de fait minoritaires dans les urnes.

Le 11 juillet, dix blindés Centaure, quinze camions de pompiers, une douzaine de blindés militaires tout-terrain et de nombreux camions de l’armée étaient encore débarqués par bateau en Kanaky, où la population est à ce jour toujours maintenue sous couvre-feu. C’est l’intégralité de cette séquence qui témoigne de la façon dont la France, par son administration coloniale, déploie un arsenal répressif et sécuritaire qui d’un côté, protège les colons sur place et leurs milices réactionnaires, et de l’autre, tente de détruire le mouvement indépendantiste du pays, stratégie dans laquelle l’enfermement carcéral est une arme de choix.

L’emprisonnement est l’une des armes privilégiées dans les stratégies coloniales pour tenter d’asphyxier les luttes indépendantistes, de l’État sioniste en Palestine aux pays impérialistes alliés et jusqu’aux empires coloniaux comme la France. Si les chiffres sont incomparables du fait de la disproportion des populations concernées, rappelons qu’en Cisjordanie, selon Stéphanie Latte Abdallah, un palestinien sur trois a connu une ou plusieurs incarcérations au cours de sa vie depuis 1967, soit 35 % de la population, quand en Kanaky, la prison de Nouméa, dit Camp-Est, est peuplée à 95 % de kanak, alors qu’iels ne représentent que 39 à 43 % de la population calédonienne.

Prison du Camp Est - Nouméa
Prison du Camp Est à Nouville, en périphérie de Nouméa

Surnommée par les détenu•es « l’île de l’Oubli », la prison du Camp Est enferme de nombreux•ses jeunes kanak exclu•es des systèmes économiques, scolaires et sanitaires, et symbolise à elle seule le continuum colonial français puisque le bâtiment occupe en partie l’ancien bagne de cette colonie pénitentiaire. Bien peu d’ouvrages existent sur cette sur-incarcération de la population kanak, et comme le rappelle Hamid Mokadem :

« Le silence des sociologues et démographes sur les inégalités ethno-culturelles
est inversement proportionnel au bavardage des anthropologues
sur la coutume et la culture kanak ».

Le taux d’incarcération y est nettement plus élevé qu’en métropole, à tel point qu’une nouvelle prison a vu le jour, le centre de détention de Koné, et qu’un projet de remplacement de Camp-Est a été annoncé en février 2024 par le Garde des Sceaux. Il promettait alors un établissement de 600 places (contre les 230 cellules disponibles à Camp-Est) qui sortirait de terre après un chantier estimé à 500 millions d’euros. Il s’agit du plus important investissement de l’Etat français sur le sol kanak, promesse mortifère qui réaffirme du même coup le projet impérialiste de la France dans le Pacifique, portée par ses intérêts financiers et géopolitiques à rester implanté sur le Caillou. En attendant ce projet carcéral d’envergure, de nouvelles cellules ont été aménagées dans des containers sur lesquels un double-toit grillagé a été installé, pour beaucoup sans fenêtres, et où les conditions d’incarcération sont encore plus rudes que dans les autres quartiers de la prison, ceux des hommes, des femmes et des mineurs, prévenus et condamnés.

La surreprésentation de la population kanak est d’autant plus forte que l’incarcération a été l’une des façons pour le gouvernement français d’essayer d’endiguer le mouvement contre le projet de dégel du corps électoral, avec 1 139 interpellations depuis la mi-mai. A la détention locale s’est articulée une autre peine directement héritée du code de l’indigénat : la peine de déportation. Le 23 juin, après l’annonce de l’arrestation de 7 indépendantistes kanak en métropole, la population apprenait qu’iels allaient être déporté•es à 17 000 km de chez eux•elles. Un avion les attendait pour les transférer en métropole durant leur détention provisoire, tous les sept dispersé•es dans les prisons de Dijon, Mulhouse, Bourges, Blois, Never, Villefranche et Riom. Cette déportation des militant•es dans le cadre d’une détention provisoire rappelle directement les événements de 1988, et plus largement la façon dont la prison et l’éloignement ont été utilisés dans un contexte colonial.

C’est, dès le XIXème siècle, la déportation de Toussaint Louverture en France, les milliers d’algérien•nes arrêté•es lors des insurrections contre la colonisation française de l’Algérie à la même époque que les prisonnier•es de la Commune de Paris en 1871, tout comme les vietnamien•es de Hanoï en 1913, déporté•es en Kanaky ou dans d’autres colonies comme la Guyane. Plus proche de nous, ce sont encore les révolutionnaires algérien•nes, massivement incarcéré•es dans les prisons coloniales métropolitaines. D’un principe hérité de l’indigénat, et bien qu’aujourd’hui on soit passé d’une décision administrative à une décision judiciaire, la pratique de déportation reste donc la même.

Particulièrement utilisée dans le cadre de mouvements de résistance anticoloniaux, jamais en Kanaky depuis 1988 la déportation des prisonnier•es kanak dans les prisons coloniales métropolitaines n’avait été utilisée à cette échelle. Après le massacre de 19 indépendantistes kanak qui avaient fait prisonniers des gendarmes dans la grotte d’Ouvéa, les militants encore en vie avaient été incarcérés puis déportés, puis libérés dans le cadre des Accords Matignon-Oudinot. 26 prisonniers kanak étaient venus peupler les prisons de la région parisienne alors qu’ils étaient encore en détention préventive, c’est-à-dire dans l’attente de leurs procès et donc présumés innocents, comme c’est le cas aujourd’hui pour les militant•es de la CCAT actuellement incarcéré•es. Mais dans les années 1980, les prisons françaises sont secouées par de grandes révoltes, notamment contre le racisme des surveillants majoritairement affiliés au FN alors naissant, et plus largement contre la politique pénale de la gauche mitterrandienne et la longueur des peines qui explose à l’époque. En 1988, comme l’ont écrit d’ancien•es détenu•es après coup, certain•es ont mis un point d’honneur à témoigner leur solidarité aux kanak en partageant avec eux leurs vêtements et leur nourriture.

Car les militants sont en effet transférés pour beaucoup en t-shirt, short et claquettes, dans des conditions éprouvantes, les mains menottées pendant les 24 heures du trajet, techniques de répression sournoise de l’Administration Pénitentiaire qui sont toujours en vigueur (des conditions de déportation similaires ont été décrites par Christian Tein, porte-parole de la CCAT incarcéré au quartier d’isolement du Centre Pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach), pour que le choc de l’incarcération soit d’autant plus violent. À cela s’ajoute ensuite la douleur de la séparation forcée parents/enfants, que l’on retrouve non seulement dans la situation actuelle en métropole française mais aussi en Palestine, tout comme la grande difficulté à trouver ses proches, à tenter de savoir dans quelles prisons ils se trouvent, voire s’iels sont réellement incarcéré•es, en se heurtant continuellement à la violence administrative et à l’absence d’informations et de chiffres officiels. Tout ceci orchestré afin que l’impact psychologique soit tel que, à terme, les prisonnier•es mais aussi leurs familles cessent de lutter.

A l’époque des évènements d’Ouvéa, l’arrachement des indépendantistes à leurs terres pour les enfermer en métropole est monnaie courante, et celui des kanak s’ajoute à celui des figures de l’Alliance Révolutionnaire Caraïbe comme Luc Reinette et Georges Faisans, incarcérés en Île-de-France durant la décennie 80 aux côtés des prisonnier•es Corses et Basques. Depuis lors, cela ne s’était reproduit qu’une fois, dans le cadre des mouvements insurrectionnels en Gwadloup en 2021, où plusieurs figures locales, pour la plupart militants associatifs, avaient été déportés puis incarcérés en métropole et en martinique pour tenter d’étouffer les révoltes dans lesquelles la jeunesse guadeloupéenne était largement mobilisée.

Ici encore, on pourrait faire un parallèle avec la Palestine. Comme le rappelle Assia Zaino, depuis les années 2000, l’incarcération des Palestinien•es est systématiquement synonyme de l’arrachement à leurs familles et leur proches puisque les prisons sionistes, situées à l’intérieur des territoires palestiniens colonisés en 1948, “sont intégrés au système carcéral civil […] et des interdictions d’entrée sur le sol israélien sont fréquemment opposées aux familles des détenu•es pour raisons de sécurité”, ce qui dans les faits vise aussi bien à s’en prendre aux proches de détenus et à déstabiliser la lutte de libération nationale.

Ahmad Saadat, Ahed Abu Ghoulmeh et leurs camarades en détention – date et lieu inconnus

Depuis la prison, continuer la lutte

À cette incarcération massive répond la figure forte des prisonnier•es comme symboles de courage et de résistance. On sait qu’en Palestine, comme durant la guerre de libération nationale algérienne, l’incarcération est l’occasion d’apprendre au contact des siens, de forger la conscience révolutionnaire nationale mais aussi de continuer la lutte, très concrètement, en se mobilisant contre l’incarcération. Car le mouvement des prisonnier•es palestinien•nes a transformé la prison coloniale en école de la révolution : chaque parti politique a une branche des prisons dont le politburo est constitué des leaders emprisonné•es. Ces branches ont un vrai poids dans les décisions prises à l’extérieur des murs, et ce sont elles qui sont chargées de mener la lutte dans les prisons coloniales, notamment en déclarant des grèves de la faim collectives et transpartisanes qui peuvent mobiliser plusieurs milliers de prisonnier•es, mais également d’organiser la vie quotidienne des révolutionnaires en prison. C’est ce mouvement des prisonnier•es qui a poussé les groupes de la résistance palestinienne à s’unir sous un commandement unifié avec comme boussole la libération totale de la Palestine historique, et à dépasser les conflits fratricides. Historiquement les prisonnier•es ont aussi constitué la frange la plus radicale de la révolution palestinienne, en refusant notamment de manière massive toute négociation avec l’état sioniste au moment où se préparaient les funestes accords d’Oslo. La résistance dans les prisons coloniales peut aussi prendre des formes culturelles, comme l’illustre la très riche littérature carcérale palestinienne, composée d’œuvres littéraires écrites dans la clandestinité et sorties en contrebande par les prisonnier•es pour témoigner au monde extérieur de la vitalité de leurs idéaux, de leur lutte et des conditions de détention, à l’image de celles de Walid Daqqah, écrivain renommé et l’un des doyen des prisonnier•es palestinien•nes, tombé martyr le 07 avril dernier lors de sa 38ème année de détention dans les prisons coloniales.

En somme, des enfants et adolescents qui arborent des sourires courageux en sortant de leurs jugements entourés de soldats, en passant par les femmes de la prison de Damon qui tiennent tête de manière héroïque à leur geôliers, jusqu’à la résistance des hommes prisonniers qui luttent en mettant leur vie et leur santé en jeu tout en ayant un rôle central pour la Résistance à l’extérieur, c’est le combat quotidien du mouvement des prisonnier•es qui fait de la détention un lieu où s’organise la résistance au régime colonial, se poursuivant jusqu’à l’intérieur de la détention.

Comme le disait Charlotte Kates, coordinatrice internationale de Samidoun :

“malgré l’intention d’utiliser l’emprisonnement politique pour supprimer la résistance palestinienne et faire échouer le mouvement de libération palestinien, les prisonniers palestiniens sont restés des leaders politiques et des symboles de fermeté pour la lutte dans son ensemble”.

En Kanaky, c’est d’ailleurs l’annonce de l’incarcération des militant•es de la CCAT le 23 juin qui a relancé le mouvement, lesquel•es sont devenu•es des moteurs de cette nouvelle séquence de mobilisation. Plus encore, dès le 13 mai, alors que la population dresse des barrages sur les principaux axes de Nouméa, une mutinerie éclate dans la prison de Camp-Est en réaction au projet de dégel du corps électoral. La prison fait donc directement partie de l’espace de lutte de la mobilisation, et trois gardiens sont dès ce premier jour de lutte pris en otages. Ils sont rapidement relâchés après l’intervention du RAID, mais dans la nuit du 14 au 15, une autre révolte a lieu dans la prison, rendant inutilisables pas moins de 80 cellules.

C’est donc dans ce contexte insurrectionnel dans toute la Kanaky, aussi bien dans les prisons qu’au dehors, que l’annonce de la déportation des 7 leaders kanak a lieu. Mais à ces déportations très médiatisées s’ajoutent aussi des dizaines de cas similaires de transferts depuis le Camp-Est. Complètement passées sous silence par le gouvernement, ceux ci ont eu lieu aussi bien avant le 23 mai qu’au cours du mois de juillet, qu’il s’agisse d’émeutiers ou de détenus longues peines transférés pour désengorger la prison kanak. Ce silence, qui masque l’ampleur de ces déportations coloniales, n’entend que rendre plus difficile encore la tâche des familles et des soutiens politiques aux kanak dans leur tentative de faire solidarité avec les détenu•es.

Plus encore, à leur arrivée sur le sol métropolitain, les militant•es de la CCAT ont été séparé•es dans 7 prisons différentes, rappelant directement la politique de dispersion déjà à l’œuvre en Espagne à la fin des années 1980 contre les prisonnier•es de l’ETA, en réaction à l’efficacité de leurs fronts prison. Ainsi, hier comme aujourd’hui, le pouvoir colonial dispatche les prisonnier•es sur tout le territoire métropolitain pour empêcher une contre-offensive collective. Les liens des prisonnier•es à l’intérieur, mais aussi avec l’extérieur sont par conséquent largement entravés. Cet isolement vise directement à casser le mouvement en lui arrachant sa « tête » et empêcher toute forme de lutte commune contre cet enfermement. On sait donc qu’à l’élan de lutte à l’extérieur semble répondre un durcissement des conditions de détention à l’intérieur des prisons, en témoigne l’isolement dans lequel les militant•es de la CCAT sont maintenu•es.

De même en Palestine où depuis le 7 Octobre, aux arrestations massives s’ajoutent des camps militaires aux conditions d’incarcération inhumaines où la torture est quotidienne. Actuellement, aussi bien pour les plus de 9300 prisonnier•es palestinien•nes détenu•es dans les 19 prisons coloniales sionistes, que pour les milliers de prisonnier•es originaires de Gaza arrêté•es lors de l’offensive génocidaire des forces d’occupation sur l’enclave et incarcéré•es dans des camps militaires, les conditions de détentions se sont très fortement dégradées. Si dans les prisons coloniales les prisonnier•es palestinien•nes subissent la faim, l’isolement collectif, la surpopulation, les violences et tortures physiques et psychologiques, conditions ayant conduit au martyr d’au moins 18 prisonniers depuis le 07 octobre, dans les camps de détention militaire la situation est encore plus extrême. Les milliers de prisonnier•es originaire de Gaza qui y sont détenu•es sont menotté•es et ont les yeux bandés 24 heures sur 24, sont contraint•es de rester agenouillé•es sur le sol, immobiles la majorité de la journée, sont violés et agressés sexuellement et torturés quotidiennement ce qui laisse des traumatismes énormes aux prisonnier•es libéré•es. Les prisonnier•es malades y sont entassés nu•es, équipés de couches, sur des lits sans matelas ni couvertures, dans des hangars militaires et sans aucun soin. Dans tous les cas, c’est l’isolement qui règne, dans les prisons comme dans les centres de détention militaires et les prisonnier•es palestinien•nes sont comme coupé•es du monde extérieur.


Mais aucune entité coloniale n’est invincible, et aucun de ses lieux d’enfermement ne le sont non plus :

Au-delà des mutineries, de nombreuses histoires d’évasions depuis les prisons coloniales nourrissent aussi les résistances et montrent la résilience des détenu•es. En Palestine, pour évoquer un exemple récent, on se rappellera de l’opération « Tunnel de la Liberté », où six prisonniers palestiniens se sont libérés de la prison de haute sécurité de Gilboa sous occupation sioniste en creusant un tunnel à l’aide d’une cuillère. Les six Palestiniens – Mahmoud al-Ardah, Mohammed al-Ardah, Yousef Qadri, Ayham Kamamji, Munadil Nafa’at et Zakaria Zubaidi – sont devenus des symboles nationaux et internationaux de la résistance et de la volonté de liberté des Palestinien•nes. S’ils ont tous été ré-arrêtés, leur évasion a révélé les faiblesses sous le mythe colonial de “l’impénétrable sécurité israélienne”, plongeant le système carcéral de l’occupation dans une crise interne.

Dans l’Hegaxone, les CRAs représentent une manifestation ultra violente du racisme et de la gestion des exilé•es. Les personnes sont enfermées dans des conditions terribles et donc mortelles. Ainsi, face à une gestion coloniale des populations issue notamment des anciennes colonies françaises, des résistances s’organisent. Par exemple, dans la nuit vendredi 21 au samedi 22 juin 2024, 14 personnes retenues au CRA de Vincennes ont réussi à s’évader (seulement une personne a été ré-arrêtée depuis). Cela fait suite à l’évasion de 11 retenu•es en décembre de ce même lieu d’enfermement ! Des établissements pourtant souvent récents et très bien équipés.

De la Palestine en passant par l’Hegaxone et les prisons coloniales en Kanaky, les résistant•es luttent au jour le jour au sein même du système carcéral ! Les évasions et les soulèvements dans les prisons sont des événements qui viennent affaiblir la propagande coloniale et son mythe d’invincibilité et de supériorité totale !

“Hommage à nos martyrs et liberté pour nos prisonniers”

Malgré le durcissement des conditions de détention et l’arsenal sécuritaire qui est donc déployé, force est de constater que la résistance ne s’arrête pas pour autant et qu’au contraire des mouvements s’organisent de plus belle. En Kanaky, de nouveaux barrages en solidarité avec les prisonnier•es se sont étendus bien au-delà de Nouméa dès le 23 juin, réclamant leur libération immédiate et leur rapatriement sur le territoire, puisque “toucher à l’un d’entre eux, c’est toucher à tous les autres”. En métropole, de nombreux rassemblements ont également eu lieu dès le lundi à l’appel du MKF (Mouvement Kanak en France), et entre autres portés par le Collectif Solidarité Kanaky devant le ministère de la Justice à Paris, mais aussi devant les prisons où sont incarcérés encore les militant•es. Leurs numéros d’écrous ont été rendus publics pour qu’il soit possible de leur écrire et qu’un soutien large et massif puisse leur être communiqué afin de leur apporter la force nécessaire à ce combat depuis le sol métropolitain. Désormais, les hommages aux martyrs kanak tombés sous les balles des milices coloniales et de l’Etat français se doublent de banderoles pour la liberté des prisonniers.

Marah Bakir, représentante des détenues palestiniennes, arrêtée à l’âge de 15 ans par l’armée coloniale et emprisonnée pendant 8 ans, avait tenu ces propos lors de sa première interview donnée à sa libération, le 24 novembre 2023 :

“Il est très difficile de ressentir la liberté et d’être libérée en échange du sang des martyrs de Gaza et des grands sacrifices de ma famille dans la bande de Gaza”.  

Stéphanie Nassaie Doouka, 17 ans, et Chrétien Neregote, 36 ans, tué.e.s d’une balle dans la tête le 20 mai par un gérant d’entreprise

Djibril Saïko Salo, 19 ans, tué d’une balle dans le dos le 15 mai par des colons loyalistes sur un barrage

Dany Tidjite, 48 ans, tué par un policier hors service qui tentait de forcer un barrage

Joseph Poulawa, 34 ans, tué le 28 mai de deux balles dans le thorax et l’épaule par le GIGN

Lionel Païta, 26 ans, tué le 3 juin d’une balle dans la tête par un gendarme sur un barrage

Victorin Rock Wamytan dit “Banane”, 38 ans, père de deux enfants, tué le 10 juillet par un tir en pleine poitrine du GIGN sur les terres coutumières

En Kanaky, le nom de ces martyrs, tout comme les 19 de la grotte d’Ouvéa, restera pour toujours dans la mémoire des militant•es, et comme on pouvait lire sur une autre bannière à Nouméa : “Le combat ne doit pas cesser faute de leader ou de combattants, que la consigne demeure à jamais. Kanaky”

Gloire à la résistance et gloire aux martyrs !