La détention administrative de Bushra Al Taweel renouvelée pour 6 mois supplémentaires !

Aujourd’hui, 19 aout 2024, les forces d’occupation ont prolongé la détention administrative de Bushra Al Taweel pour 6 mois supplémentaires. Arrêtée le 07 mars 2024 lors d’un raid de l’armée génocidaire sioniste à Ramallah, et transférée en détention administrative pour une première période de 6 mois avant ce renouvellement, elle est actuellement détenue à Damon avec 5 autres journalistes palestiniennes.

C’est la septième fois que la jeune journaliste est incarcérée dans les prisons coloniales.

Originaire d’Al Bireh et âgée de 30 ans, Bushra Al Taweel est une journaliste freelance, qui a travaillé pour plusieurs médias palestiniens et est spécialisée dans le suivi de l’actualité des prisonnier•es. Elle est la fille de Jamal Al Taweel, figure du mouvement Hamas en Cisjordanie, candidat aux élections législatives de 2021 sur la liste “Jérusalem est notre rendez vous” avant que l'”Autorité Palestinienne” n’annule le scrutin. Son père, qui a  occupé la fonction de maire d’Al Bireh de 2008 à 2012, a passé plus de 15 ans en prison. Depuis toute petite elle lui rend visite et a donc été confrontée très jeune à l’enfermement colonial.

Dans une interview pour Al Araby, sa mère témoignait du lien particulier qui unissait le père et sa fille avec l’univers carcéral comme faisant partie intégrante de cette relation, et la force dont Bushra fera preuve dès son plus jeune âge : 

“Bushra avait l’habitude de rendre visite à son père dans les prisons de l’occupation depuis l’âge de treize ans. Depuis 1989, il a été arrêté plus de 14 fois, et a passé plus de quinze ans en prison. Sa plus longue peine a eu lieu lors de l’Intifada Al-Aqsa en 2002. »

“Au cours de l’une des visites à son père, Bushra a pris la responsabilité de ses deux frères, Yahya et Nasrallah, âgés de quatre et deux ans, après que l’occupation nous ait, mon fils ainé et mois, intentionnellement empêché de les accompagner pour la visite. Malgré son jeune âge à l’époque, elle s’est bien comportée et a refusé d’être fouillée d’une manière ou d’une autre par l’une des femmes soldats. Lorsqu’elle a pu enfin retrouver son père ce jour là, il a exprimé son admiration pour sa détermination et son refus de cette fouille, et lui a conseillé de ne plus lui rendre visite si les soldats de l’occupation la maltraitaient ainsi. Lorsque Bushra a grandi, elle a cessé de rendre visite à son père en prison, et est devenue sa camarade de captivité.”

Bushra Al Taweel a été emprisonnée une première fois en 2011, à l’âge de 18 ans, et condamnée à 16 mois de prison. Cinq mois après son incarcération, elle est libérée dans le cadre de l’accord d’échange “Wafa al-Ahrar” arraché par la Résistance où 1 027 prisonnier·es palestinien·nes (994 hommes et 33 femmes) seront libéré·es des prisons sionistes. 

Elle est de nouveau arrêtée en 2014, dans une campagne d’arrestations visant un grand nombre de prisonnier·es libéré·es en 2011. Elle est condamnée à purger le reste de sa première peine, et sera relâchée le 17 mai 2015, après un an de prison.

Le 1er novembre 2017, elle est arrêtée chez elle lors d’un raid nocturne. Sa maison est saccagée par les soldats, sa famille interrogée toute la nuit et une partie de son argent est confisqué. Elle passera 8 mois en détention administrative.

En décembre 2019, elle est arrêtée pour la quatrième fois après une perquisition au domicile de son père. Placée une nouvelle fois en détention administrative, elle sera libérée 8 mois plus tard en juillet 2020.

Jamal Al Taweel, portant un portrait de sa fille lors d’un rassemblement, avant qu’il ne soit à nouveau arrêté

En novembre 2020, elle est arrêtée pour la cinquième fois, sur un checkpoint entre Ramallah et Naplouse. Elle est transférée directement en détention administrative et annonce à sa famille qu’elle va lancer une grève de la faim pour exiger sa libération. Son père, en détention lui aussi à ce moment là, décide de se mettre en grève à sa place pour lui éviter de mettre sa santé en danger. C’est l’une des rares fois où un prisonnier s’est mis en grève pour arracher la libération d’un•e autre. Bushra apprend la nouvelle par la radio. Après avoir refusé de s’alimenter durant 29 jours, Jamal Al Taweel, qui est encore détenu dans les prisons sionistes à l’heure où nous écrivons ces lignes, arrache la libération de sa fille qui est libérée en 2021 après 11 mois de détention.

Le 21 mars 2022, elle est arrêtée au check-point de Za’tara, au sud de Naplouse. C’est sa sixième arrestation. Elle est placée en détention administrative et passera 9 mois à la prison de Damon.

Le 07 mars 2024 lors d’un raid à Ramallah, elle est agressée par les forces d’occupation, arrêtée et transférée en détention administrative pour une période de 6 mois. Sa détention est renouvelée pour 6 mois supplémentaires le 19 aout 2024. 

Au total, lors de ses successifs emprisonnements, Bushra Al Taweel a passé 45 mois dans les prisons coloniales. C’est son travail journalistique spécialisé sur la situation des prisonnier•es et l’affiliation politique de sa famille qui est à l’origine du harcèlement des forces d’occupation contre elle. Avant son arrestation en mars dernier, elle travaillait sur un projet journalistique autour des journaux intimes des prisonnières palestiniennes, pour faire connaitre leur situation et leur quotidien.

Journaliste engagée et spécialisée dans la documentation des conditions de détention et la résistance des prisonnier·es palestinien·nes dans les prisons sionistes, fille d’un cadre de la Résistance Palestinienne, Bushra Al Taweel subit un acharnement et un harcèlement de la part du régime génocidaire sioniste depuis plusieurs années. Les forces d’occupation l’ont incarcéré 7 fois au cours de sa jeune vie. Et pourtant, Bushra Al Taweel continue son travail de journalisme en étant fidèle à ses convictions et se tient fière, droite, à l’image de son peuple, face aux violences coloniales.

5 autres journalistes palestiniennes sont actuellement détenues à ses côtés dans la prison coloniale de Damon :

Rasha Harzallah, arrêtée le 2 juin après avoir été convoquée pour une “enquête” au centre de détention de Huwara, attend son procès. Sa détention a été prolongée jusqu’en octobre. Son frère, le martyr Muhammad Harzallah “Abu Hamdi”, était l’un des dirigeants de la Fosse aux Lions. Muhammad est tombé martyr le 23 novembre 2022, d’une blessure par balle à la tête reçue lors d’un affrontement avec l’armée coloniale. Arrêté en 2013, il avait passé 1 an et demi dans les prisons sionistes et avait continué ses activités dans la Résistance à sa sortie.

Rasha et son frère Muhammad

Asmaa Harish, de Beitunia, Ramallah, est en détention à Damon depuis le 3 avril. Elle a été transférée en détention administrative pour 3 mois et sa peine a été renouvelée le 27 juin. Lors du raid sur sa maison, son ordinateur et son téléphone ont été saisis, quelques jours avant son arrestation, elle avait reçu un sms d’un agent des forces d’occupation lui ordonnant de cesser son travail d’information sur le génocide en cours à Gaza. Elle est connue pour son engagement en faveur des droits humains. Son père Noah et son frère Ahmed, sont également détenus dans les prisons sionistes.

Cela fait près de 10 ans que les membres de la famille Harish n’ont pu passer l’intégralité du Ramadan ou de l’Aïd ensemble. Dans une interview pour Al Araby, Mahmoud Harish, frère d’Asmaa, racontait :

“Mon frère Ahmed a été la cible d’arrestations répétées par les forces d’occupation, et les services de sécurité palestiniens l’ont poursuivi et arrêté à plusieurs reprises. Quant à mon père, Noah, il est retourné en prison l’année dernière”

Comme pour l’ensemble de la société palestinienne et des familles de prisonnier·es, la répression contre la famille Harish s’est intensifiée après le 7 octobre. Mahmoud lui-même a été arrêté et sévèrement battu à la tête, à la cage thoracique et sur tout le corps en novembre dernier, après que l’armée sioniste ait lancé un raid sur la maison familiale sans réussir à trouver son père, qu’ils recherchaient. Le jeune homme a été arrêté et gardé en détention jusqu’à ce que son père se rende.

Pour sa famille et ses collègues c’est clair, Asmaa a été arrêté pour le travail d’information qu’elle fait au quotidien et son engagement pour la libération et le suivi assidu de la situation des prisonnier·es palestinien·nes détenu·es dans les prisons sionistes.

“Le rôle d’Asma a été décisif dans le cas de [son] frère Ahmed, après avoir communiqué avec des organisations de défense des droits de humains qui faisaient pression pour révéler la vérité. Elle a également publié des articles sur d’autres prisonniers hommes et femmes dans les prisons d’occupation, a rencontré leurs familles et les a aidé à gérer la détention de leurs enfants”

Asmaa, son frère Ahmed et son père Noah, tous·tes détenu·es dans les prisons coloniales

Rula Hassanein, originaire de la ville d’Al-Ubaidiya, dans le gouvernorat de Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie,  a été arrêtée le 19 mars. Lors du raid sur sa maison, son ordinateur et son téléphone ont été saisis.  Rula est une journaliste indépendante, elle a travaillé pour plusieurs médias dont Al Jazeera, BNFSJ et Radio Nisaa (une station de radio féminine palestinienne). Comme la grande majorité des journalistes détenu·es par les forces d’occupation, elle a été accusée d’ “incitation à la haine sur les réseaux sociaux”. 

Rula a été arrachée à sa fille, malgré les explications données aux soldats sionistes qui venaient l’arrêter. L’année dernière, la jeune journaliste a donné naissance à des jumeaux, Elia et Youssef, prématuré·es de deux mois, en raison de complications de santé. Youssef, l’un des deux bébés est décédé trois heures plus tard et Elia est restée dans la couveuse pendant les quarante premiers jours de sa vie. Elle a maintenant neuf mois et son système immunitaire est affaibli. Des plaies lui sont apparus aux paumes, aux pieds et à la bouche, ce qui rend difficile son alimentation et la rend dépendante du lait de sa mère. Quelques heures après son arrestation, Elia a commencé à souffrir de déshydratation et les médecins ont dû la nourrir par voie intraveineuse.

La journaliste souffre d’une maladie chronique qui l’oblige à aller voir un médecin toutes les deux semaines, à faire des examens réguliers et à prendre des médicaments spéciaux. Tout ceci lui est interdit en détention.

Une décision en faveur de sa libération a été annoncée à plusieurs reprises, mais n’a jamais été appliquée.

Rula et sa fille, Elia

Amal Shujaia, est une étudiante en journalisme, et était secrétaire du comité culturel du conseil étudiant pour l’année scolaire qui vient de s’achever. Militante du Al Wafaa’ Islamic Bloc, la principale organisation de l’université, qui a gagné les dernières élections étudiantes, elle animé plusieurs évènements culturels et associatifs au cours de l’année. Elle a été arrêtée le 6 juin dernier et son procès a été reporté au 9 septembre prochain.

Amal Shujaia

La 6 ème journaliste palestinienne actuellement incarcérée dans la prison de Damon est Israa Lafi. Israa est une journaliste indépendante, qui a écrit plusieurs articles pour différents médias ces dernières années, dont Al Jazeera, Etar, et la chaine satellite maintenant fermée “Al Quds”. Plusieurs de ses articles sont compilés sur son site personnel.

Israa a été arrêtée le 17 juillet dernier, puis transférée en détention administrative pour une période de 6 mois le 26 juillet. En 2018 elle avait déjà été arrêtée et avait passé 10 mois dans les prisons coloniales. A son retour elle avait écrit plusieurs articles sur le quotidien et la situation des prisonnières, sur la société palestinienne et la lutte de libération nationale.

Nous vous conseillons ce magnifique article , co-écrit avec Batoul Khaled Ramahi, sur les conditions de détention des prisonnières palestiniennes, leur mode d’organisation, leur résistance et la façon dont elles ont réussi à jouer un rôle dans le mouvement des prisonniers palestiniens. 

“En passant en revue la vie des prisonnières, nous parlons du voyage de l’espoir qui traverse le long chemin de l’attente, de la voile d’espoir via laquelle les prisonnières naviguent en attendant la visite de leur famille, qui peut être une fois par mois pour les prisonnières de Cisjordanie, et deux fois par mois pour les prisonnières de Jérusalem et de l’intérieur (les territoires de 48), et cela peut être zéro visites pour les prisonnières de Gaza, ou pour celles qui ont été sanctionnées et interdites de visites familiales. À cela s’ajoute l’attente du déplacement de l’extérieur ; Attendre des lettres par la poste, attendre des photos, attendre les visites d’avocats, attendre des nouvelles, des programmes pour les prisonniers et des messages familiaux sur les émissions quotidiennes de la radio palestinienne et de la radio des prisonniers, ou chaque semaine sur Ajyal et la radio du Saint Coran, puis l’attente du tribunal, l’attente de la liberté, qui peut venir avec un linceul qui coupe tous les désirs et tous les espoirs amers d’attendre la liberté.”

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“Les prisons restent des lieux en ébullition, peuplées d’âmes libres inadaptées à la vie en captivité, dont les cœurs s’accrochent aux cordes de l’espoir de la liberté, dont les souffles innocents savent encore jouer la mélodie de la révolution, et qui connaissent tous les sentiers de la résistance. Et ceux qui veulent résister ne manquent pas de moyens !

Que Dieu libère leurs ailes, brise leurs chaînes et les rende à leurs familles et à leurs proches.”

Israa Laafi

Depuis le 7 octobre, 94 journalistes palestinien·nes ont été arrêté·es, et 50 sont toujours incarcéré·es dans les prisons sionistes à l’heure où nous écrivons ces lignes, dont 15 en détention administrative. Parmi ces journalistes se trouvent 6 femmes et 16 journalistes de Gaza. En parallèle, lors de son offensive génocidaire toujours en cours dans la bande de Gaza, l’armée sioniste a assassiné au moins 115 journalistes en 10 mois. Ce ciblage systématique des journalistes palestinien·nes est en fait un moyen pour l’entité sioniste de masquer l’étendue de ses crimes et de silencier toute forme de tentative d’information sur la réalité du sionisme et de la machine coloniale.