Il y a deux jours, le 20 aout 2024, Cheikh Abd al Rahman Salah, 70 ans, a été transféré de la sinistre prison coloniale du Naqab à la prison clinique sioniste de Ramleh, après que son état de santé se soit détérioré en raison de la politique de négligence médicale délibérée, la torture et des conditions difficiles dans lesquelles vivent les prisonnier•es palestinien•nes.
Du martyr aux prisons coloniales : son engagement dans la Résistance à Jénine
Cheikh Abd al Rahman Salah né le 18 janvier 1954, et grandi dans un famille de Jénine, avec un père boulanger, quatre frères et deux sœurs. Dès son plus jeune age, il participe à différentes actions de résistance dans sa ville, et il est arrêté plusieurs fois pour son engagement. Il est inspiré par son grand-père, qui travaillait comme muezzin à la mosquée, et cela lui arrivait d’appeler parfois les fidèles à la prière à sa place. Cheikh Salah avait pour habitude de prier dans la grande mosquée de Jénine.
Issu d’une famille modeste, les conditions matérielles dans lesquelles il a grandi ne lui permettent pas de terminer ses études. Il obtient son Tawjihi (l’équivalent du baccalauréat) en 1979, et continue à se former et à affiner sa connaissance de la culture et des sciences islamiques à travers ses nombreuses lectures. Il rejoint le Mouvement de la Résistance Islamique Hamas dès sa création et s’engage dans les brigades Izz Al Din Al Qassam au début de l’Intifada Al-Aqsa.
Parmi ses compagnons les plus proches à cette époque, on retrouve le martyr Nasr Jarrar, le prisonnier déporté à Gaza Ahmed Eid, les prisonniers déportés au Qatar Mohammed Jarrar et Issam Jarrar, et le prisonnier libéré Dr Amjad Qabha.
Face à la sauvagerie du colonialisme, Cheikh Salah et ses camarades n’ont qu’une idée en tête, infliger de lourdes défaites au régime sioniste. Et leur détermination grandi lors de l’invasion du camp de Jénine en 2002 et le massacre commis par l’armée coloniale dans le camp. Les yeux du résistant voient les corps des martyrs dispersés dans les rues, soufflés par les explosions et les bombardements, et partout ses yeux se posent sur les ruines qui s’amoncellent malgré la combativité et la détermination de ses camarades, les courageux fedayins, qui tiennent tête à l’armée sioniste. Avec son ami Ahmed Eid, il décide alors de mener une opération martyr au cœur des territoires colonisés en 1948. Les deux jeunes hommes sont arrêtés le 18/06/2002, alors qu’ils étaient traqués depuis plusieurs semaines par les soldats coloniaux qui avaient mis la main sur la cassette vhs contenant leur testament vidéo. Cheikh Salah est condamné à 25 ans de prison, et son compagnon Ahmed Eid à 20 ans.
Avant son incarcération, Cheikh Abd al Rahman Salah a eu plusieurs enfants, 5 filles et 3 fils. Le 8 novembre 2003, alors qu’il écoute la radio en cellule, il entend la nouvelle du martyr de son fils ainé, Muhammad. Le jour même, l’armée sioniste avait lancé un raid sur la ville de Jénine, Muhammad, inquiet pour son jeune frère Fadi, traverse la ville pour aller le récupérer à l’école. En chemin, il participe à un affrontement avec les forces d’occupation. Balles contre pierres, cette fois ci le combat est inégal. Il vise les soldats surarmés, avec l’assurance du résistant qui défend son droit à vivre sur sa terre. Un tir. Le jeune homme s’écroule. Le sang s’échappe et pénètre dans le sol. Les lèvres de Muhammad laissent passer un dernier souffle. Le char avance pour écraser le corps du martyr, les jeunes du camp accourent et s’en saisissent pour le trainer à l’abri des colons. Quelques heures plus tard la nouvelle accoure, fracasse les murs de la prison et s’engouffre dans la tête de Cheikh Salah. Son fils est mort. Un martyr de plus offert par la ville de Jénine, dont les larmes des habitants irrigueront le sol, avant que la rage ne reprenne le dessus et ne renforce leur résistance et leur courage. Le berceau populaire, nid de guêpes à l’arche détruite, où les portes s’ouvrent pour les combattants, et les pièges se referment sur les envahisseurs.
En 2011, lors de l’accord d’échange “Wafa al-Ahrar”, Cheikh Salah est libéré des prisons sionistes après 9 ans de détention, aux côtés de 1 026 autres prisonnier•es palestinien•nes. À ce moment là, grâce à la Résistance Palestinienne, 994 prisonniers et 33 prisonnières sortent des prisons coloniales. Parmi ces prisonnier•es, 203 – essentiellement des très longues peines – sont expulsés de Palestine.
En 2014, l’armée sioniste lance une campagne d’arrestation massive de prisonnier•es libéré•es lors de l’accord d’échange de “Wafa Al Ahrar”. Des dizaines de prisonniers sont réarrêtés et condamné à purger le reste de leurs peines initiales, pourtant annulées par l’accord en 2011. Cheikh Abd al Rahman Salah est donc condamné à passer 14 ans dans les prisons sionistes.
Cheikh Salah a passé ces dernières années dans l’une des prisons les plus dures du système carcéral sioniste : la prison du Naqab. Là bas, comme les près de 10 000 prisonnier•es palestinien•nes détenu•es par les forces d’occupation, il a subit la politique de négligence médicale délibérée, qui est responsable de nombreux martyrs dans les rangs des prisonniers, dont Asif Al Rifai, Khaled Al Shawish, Nasser Abu Hmeid, Saadia Farajallah, Khader Adnan ou encore le doyen des prisonniers, révolutionnaire et écrivain de la littérature carcérale Walid Daqqah.
Lors de son emprisonnement, la maladie a ravagé son corps. Il est atteint d’hypertension artérielle et de diabète, et a développé des graves troubles visuels. Il souffre d’une cécité complète à l’œil droit et n’a une capacité visuelle que de 10% au niveau de son œil gauche. Il marche très difficilement, avec une canne, est très faible, et souffre de mots de dots très douloureux et de pertes de mémoire.
Face à l’aggravation de son état de santé, le régime sioniste l’a transféré dans la prison clinique de Ramleh, où des dizaines de prisonniers malades attendent la mort, empêchés d’avoir accès aux soins dont ils ont besoin. Ramleh, la prison clinique remplie de martyrs vivants.
Face à la politique meurtrière de l’état sioniste, qui assassine les prisonnier•es palestinien•nes, par la torture, la faim, les tabassages ou le manque de soins, tenons nous aux côtés de la Résistance Palestinienne et des près de 10 000 prisonnier•es palestinien•nes ! Parler des prisonnier•es, visibiliser leurs conditions de détention, leur résistance quotidienne, et leurs trajectoires personnelles c’est combattre le récit colonial ! Car soutenir les prisonnier•es palestinien•nes c’est soutenir la Résistance, toute la Résistance, qui affronte le colonialisme et lutte pour la libération de toute la Palestine, de la Mer au Jourdain !