Ce matin, le décès de Wafa Jarrar, originaire de Jénine, a été annoncé après deux mois passés en soins intensifs. Le 21 mai dernier, elle avait été gravement blessée lors de son arrestation par l’armée coloniale, et avait du subir une amputation des deux jambes, au dessus des genoux.
D’abord placée en détention administrative pour 4 mois, les forces d’occupation l’avaient sortie de prison quelques jours après son amputation, le 30 mai, pour ne pas être tenues responsables de son état de santé. Durant les dix jours où Wafa Jarrar était détenue par les forces d’occupation, sa famille avait reçu des informations indiquant qu’elle était tombée dans le coma dans un hôpital sioniste. L’occupation a délibérément induit la famille en erreur en transmettant des informations incomplètes sur son état de santé par moments, et en bloquant toute information à d’autres moments.
Dès sa libération, elle a été transférée en unité de soins intensifs, en état critique. À son arrivée à l’hôpital de Jénine, les médecins ont constaté que Wafa Jarrar souffrait de fractures de la cage thoracique, d’une fracture de la 12ème vertèbre de la colonne vertébrale et de l’amputation de ses jambes au-dessus des genoux, en plus d’une infection du poumon gauche à cause de l’accumulation de sang à l’intérieur.
Bien qu’elle soit restée deux mois en soins intensifs, l’ampleur et la gravité de la blessure n’ont pas permis à son corps de répondre de manière positive au traitement, ce qui a entraîné l’apparition d’ulcères. Elle a été soumise à plusieurs opérations pour nettoyer et désinfecter les ulcères, et des antibiotiques lui ont été administré pour combattre les inflammations. Malheureusement son état a continué de s’aggraver, aboutissant finalement à son martyr ce matin.
Les forces d’occupation ont gardé les jambes amputées de Wafa Jarrar, refusant de les rendre à la famille pour les enterrer avec le reste du corps. Cette décision est une offense envers les traditions funéraires islamiques.
Wafa Nayef Zuhdi Jarrar (Umm Hudhayfah) est née en 1974 dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie. Elle a épousé Abdul Jabbar Muhammad Ahmed Jarrar, leader du mouvement Hamas, le 22 février 1990, et ils ont eu quatre enfants, Hudhayfah, Taqwa, Amjad et Zaytouna.
Militante associative renommée, elle était coordinatrice de l’Association des familles des martyrs et prisonnier·es du gouvernorat de Jénine. Elle jouissait d’une grande réputation dans la ville de Jénine en particulier et dans les villes de Cisjordanie en général et était connue pour sa participation assidue aux veillées de solidarité exigeant la restitution des corps détenus par l’État sioniste.
En 2021, elle avait été candidate sur la liste du Hamas aux élections législatives, «Jérusalem est notre rendez-vous», avant que l’Autorité Palestinienne n’annule la tenue du scrutin.
Elle était également titulaire d’une licence en méthodes d’enseignement de la langue arabe et avait complété sa maîtrise en langue arabe à l’Université An-Najah.
Le mari de Wafa Jarrar, Abdul Jabbar Jarrar, est un cadre de la résistance dans le governorat de Jénine. Très jeune, il a participé à des manifestations contre les forces d’occupation et a été actif au sein du Bloc islamique pendant ses études à l’Université d’Al Khalil. Il a rejoint le mouvement Hamas immédiatement après sa fondation en 1987. En tout, il a été arrêté 30 fois et a passé environ 16 ans dans les prisons sionistes.
Il est actuellement en détention administrative depuis février dernier. Aujourd’hui, sa détention administrative a été renouvelée pour 6 mois alors même que le martyr de sa femme était annoncé.
Lors du cortège funéraire de Wafa Jarrar, une foule immense était réunie pour accompagner une dernière fois le corps de la martyre. Dans d’autres villes, des rassemblements et initiatives en son honneur était organisés notamment à Birzeit où les organisations étudiantes ont défilé en portant son portrait.
Saadia Farajallah et Israa Jaabis : deux précédents de cette politique de négligence médicale délibérée
Cette politique de négligence médicale délibérée a déjà causé la mort et des graves blessures chez les prisonnières palestiniennes, les deux exemples les plus flagrant étant Saadia Farajallah et Israa Jaabis.
Saadia Farajallah a été arrêtée le 18 décembre 2021, alors qu’elle traversait la ville d’Al Khalil pour rendre visite à sa fille. L’armée coloniale a accusé la vieille dame, âgée de 68 ans, d’avoir tenté de poignarder un colon de 38 ans, de la colonie illégale de “Kiryat Arba” devant la mosquée Ibrahimi… Agressée par un groupe de colons et tenue en joue par les soldats sionistes, elle est conduite de manière violente en centre d’interrogatoire. À partir de son arrestation et jusqu’à son martyr, sa famille a été empêchée de lui rendre visite.
Le 2 juillet 2022, alors qu’elle faisait ses ablutions dans la prison coloniale de Damon, Saadia Farajallah perd connaissance. Elle est portée par ses codétenues jusqu’à la clinique de la prison où elle tombera martyre.
Son état s’etait détérioré très rapidement après son arrestation. Lors de son jugement elle est apparue en fauteuil roulant, dans l’impossibilité de marcher. Lors de l’audience, ses avocats avaient exigé qu’elle ait accès à un médecin spécialisé, car elle souffrait visiblement déjà de problèmes de santé. Au lieu de recevoir les soins médicaux dont elle avait besoin, le tribunal militaire l’a condamnée à 5 ans d’emprisonnement et à une amende de 15 000 shekels. C’est cette politique de négligence médicale délibérée en œuvre dans les prisons coloniales qui a causé son martyr, comme elle a causé le martyr de Walid Daqqah, Khaled Al Shawish, Nasser Abu Hmeid, Khader Adnan, Asif Al Rifai et de nombreux autres des 258 prisonnier•es palestinien•nes assassiné•es par l’État sioniste dans ses prisons.
Israa Jaabis, éducatrice et assistante sociale originaire de Jérusalem est arrêtée le 11 octobre 2015. Ce jour là, alors qu’elle rentre chez elle, une panne électrique dans l’airbag de sa voiture provoque un incendie alors qu’elle s’approche d’un check point de l’armée coloniale. Alors qu’elle est coincée dans la voiture en feu, un conducteur de bus lui vient en aide et parvient à ouvrir la porte. Gravement brulée elle demande de l’aide aux soldats sionistes qui accourent sur les lieux. Mais au lieu de ça, Israa est braquée face contre terre par les soldats, alors que ses brulures continuent de s’aggraver.
15 minutes plus tard, l’ambulance arrive mais il est trop tard. Maintenue au sol par la contrainte, brulée vive, Israa est gravement blessée : l’éducatrice a subi des brûlures aux premier, deuxième et troisième degrés sur plus de 60 % de son corps. Elle est transférée à l’hôpital où elle sera amputée de huit doigts. Son visage a été partiellement défiguré par les brulures : ses oreilles sont restées collées à sa tête. Elle a de grandes difficultés à respirer par le nez et a de gros problèmes respiratoires. Elle souffre souvent de grosses crises lors desquelles elle raconte avoir l’impression de bruler de l’intérieur. Sa lèvre inférieure ayant fondu elle ne peut pas boire et manger comme avant, elle a besoin d’une paille et d’un gobelet spécial car elle a de grande difficultés pour bouger ses mains.
Elle est tout de suite arrêtée et placée en détention. À l’issue du jugement elle est condamnée à une peine de onze ans de prison et une amende de 50 000 shekels.
Avant son accident elle travaillait dans une maison de retraite et avait l’habitude de faire des activités avec les pensionnaires. Elle faisait aussi du bénévolat dans plusieurs associations, dans des hôpitaux, des écoles, etc, où elle s’habillait en clown pour amuser les enfants.
En prison ses co-détenues, qui prenaient soin d’elle chaque jour, en veillant qu’elle ne manque de rien et qui surveillaient son état comme elles le pouvaient, la décrivaient comme une amie aimante pleine d’amour et de joie, qui accueillait toujours les nouvelles prisonnières le mieux possible. Beaucoup parlaient du fait qu’elle s’inquiétait pour chacune d’entre elles et que malgré son état elle restait remplie d’une force de caractère surhumaine.
Samedi 25 novembre, grâce à l’accord d’échange arraché par la combativité et l’offensive de la Résistance Palestinienne et le sacrifice immense de la population de Gaza, Israa Jaabis est libérée des prisons sionistes. Ce jour là, dans une joie infinie, son fils, Mu’tasim, qui n’a pas pu la voir pendant plus de 6 ans, accueille enfin sa mère, après une séparation qui aura laissé un traumatisme important dans la famille.
Nous adressons nos condoléances les plus sincères à la famille et aux proches de Wafa Jarrar. Puisse-t-elle veiller sur les vivant·es et guider leurs pas à travers le long chemin de la libération. Que le repos le plus doux lui soit accordé, que l’amour infini de son peuple atténue la peine des êtres aimés. Gloire aux martyrs.