“Je laisse derrière moi un milliers d’hommes qui ne devraient pas être incarcérés. Personne ne devrait être détenu pour s’être mobilisé contre le génocide, dans une université, à Columbia, qui investit directement dans le génocide du peuple palestinien.” – Mahmoud Khalil –
Le 20 juin 2025, Mahmoud Khalil, ancien étudiant diplômé de l’université Columbia et militant palestinien, a été libéré sous conditions après plus de trois mois d’enfermement par les autorités américaines. Arrêté sur son campus le 8 mars 2025 par les agents de l’ICE, il a été transféré à plus de 1600 km, placé dans un centre de détention pour étrangers, séparé de sa famille et empêché d’assister à la naissance de son fils.
Depuis sa cellule, il écrivait à Deen :
« En Palestine, cette douleur fait partie de la vie quotidienne. Les bébés naissent chaque jour sans leurs pères – non pas parce qu’ils ont choisi de partir, mais parce qu’ils sont pris par la guerre, les bombes, les cellules de prison ou la froide mécanique de l’occupation. »
L’expérience qu’il décrit est familière : celle d’une dépossession coloniale qui ne s’interrompt pas avec l’exil. L’enfermement, la séparation familiale et l’absentisation prolongent des logiques de contrôle et de punition. Ces pratiques s’inscrivent aussi dans un appareil impérialiste mondial, qui emploie le contrôle migratoire, la répression judiciaire et l’incarcération comme outils d’écrasement des luttes.
Dans le cas de Mahmoud Khalil, l’administration migratoire a été mobilisée comme outil répressif. Aucune condamnation n’était nécessaire : son statut de résident permanent suffisait à justifier sa détention. Lorsque la justice a ordonné sa libération, le ministère a invoqué un autre motif pour le maintenir enfermé : cette gestion permet d’élargir le champ de la répression au-delà du judiciaire.
« Ce n’est pas un vide juridique qui a fait que je sois prisonnier politique en Louisiane. C’est ma conviction que notre peuple mérite d’être libre. […] Le combat pour la libération palestinienne n’est pas un fardeau. C’est un devoir. »
La détention de Mahmoud Khalil s’inscrit dans une offensive plus large, menée depuis les centres impérialistes contre les Palestinien·nes de la diaspora et les militant·es solidaires. L’outil administratif — expulsions, interdictions de territoire, restrictions de mobilité — devient un vecteur central de cette répression.
Cette logique n’est pas nouvelle. En France, Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais, combattant de la résistance palestinienne, est détenu depuis plus de 40 ans. Symbole vivant de la résistance au colonialisme et à l’impérialisme, il demeure fidèle à ses idéaux révolutionnaires et continue à soutenir, depuis la prison où il est incarcéré, la lutte du peuple palestinien et les mouvements révolutionnaires dans le monde entier. Le 17 juillet, les tribunaux français se prononceront sur sa 11eme demande de libération, après que le parquet anti terroriste ait fait appel à la décision positive prononcée le 15 novembre 2024.
En Italie, Anan Yaeesh, Ali Irar et Mansour Doghmosh sont poursuivis au titre de l’article 270 bis pour “terrorisme”. Militant palestinien de 37 ans, originaire de Tulkarem et actif lors de la seconde intifada, Anan Yaeesh a été incarcéré pendant 4 ans dans les prisons sionistes et blessé gravement en 2006 par les forces d’occupation. Il est installé en Italie depuis 2017.
Fin Janvier 2024 il est arrêté par la police italienne dans la ville où il réside, puis transféré en détention dans la prison haute sécurité de Terni pour collaboration avec des brigades de la résistance palestinienne. Depuis, Anan Yaeesh mène un procès politique face à la justice italienne et refuse de renier le droit à la résistance du peuple palestinien.
En Allemagne, Musaab Abu Atta, réfugié palestinien né en Syrie, est en détention préventive depuis février 2025, accusé d’avoir tiré des feux d’artifice lors d’une manifestation en soutien à la Palestine, et d’en avoir entreposé à son domicile. Militant infatigable de la diaspora palestinienne, il fait l’objet d’un harcèlement constant de la part des autorités allemande. L’acharnement contre Musaab s’inscrit dans un contexte plus large de répression féroce de la diaspora palestinienne en Allemagne, qui s’est accentuée depuis le 7 octobre 2023. Dès le 29 septembre de la même année, les autorités lui notifiaient une “interdiction politique” l’empêchant de participer à toute activité publique ou militante, jusqu’au 31 octobre 2023 ou jusqu’à ce qu’il quitte le pays.
En Angleterre, les Filton 18 sont incarcéré•es en détention provisoire pour leur participation au blocage d’une usine d’armement ayant causé des millions de livres sterling de dégats à l’entreprise sioniste Elbit Systems, qui fabrique et exporte des armes et du matériel utilisé par l’armée coloniale dans son génocide à Gaza.
Lundi 30 juin, le parlement britannique se prononcera sur l’interdiction de Palestine Action, sur demande de la ministre de l’intérieur. Le 23 juin, le gouvernement britannique annonçait sa volonté de désigner le groupe comme organisation terroriste, à la suite d’une action dans un entrepôt appartenant à la Royal Air Force. Quatre personnes ont été arrêtées par la police anti terroriste à la suite de cette action où de la peinture rouge a été versée sur des avions de chasse de la RAF.
En France, la répression a visé de nombreuses personnes, organisations et militant·es depuis le début du génocide. Entre le 7 octobre 2023 et le 30 janvier 2024, on dénombrait déjà 626 poursuites pour « apologie du terrorisme » visant des soutiens de la cause palestinienne. La majorité de ces personnes sont anonymes, mais cette répression a aussi visé des militant·es plus connu·es comme Anasse Kazib, Elias d’Imzalène, Jean-Paul Delescaut, Smaïn Bendjilali, Timothée Esprit, François Burgat, Alex et tant d’autres. Plusieurs personnes ont été incarcéré·es pour leur soutien à la Palestine, comme Abdelrahmane Ridouane, ou encore Mahdieh Esfandiari, qui reste toujours détenue en France à ce jour. Cette répression a également specifiquement visé des militant·es de la diaspora palestinienne, pour leur soutien à la résistance que mène leur peuple avec dignité et courage, contre le génocide, le colonialisme et l’impérialisme.
Plusieurs organisations ont été menacées de dissolution, dont Urgence Palestine, et le Collectif Palestine Vaincra, dissoute le 20 février dernier, après plusieurs années de bataille judiciaire acharnée.
Aux Etats-Unis, Shukri Abu Bakr et Ghassan Elashi sont enfermés depuis 2008, condamnés à 65 ans de prison dans une procédure marquée par l’acharnement politique et l’islamophobie. Ils sont les deux derniers prisonniers parmi les 5 membres de la Holy Land Foundation arrêtés le 27 juillet 2004 par le FBI.
La Holy land Foundation, interdite par l’administration Bush en 2001, était alors la plus grande organisation caritative musulmane et palestinienne des Etats Unis.
Dans tous ces cas, le schéma est le même : instrumentalisation des régimes d’exception, attaque ciblée contre celles et ceux qui font vivre la lutte en dehors de la Palestine. Cette répression n’est pas dissociée de la guerre coloniale — elle en est un des visages, sur d’autres fronts. Les métropoles impérialistes participent à la survie de l’entité sioniste, par leur soutien économique, militaire, idéologique. C’est là que s’organise la contre-insurrection.
C’est bien parce que la lutte de libération de la Palestine — de la mer au Jourdain — est portée depuis les exils, ancrée dans les campus, les quartiers, les prisons et les mouvements anticolonialistes partout, qu’elle est frontalement combattue. Parce qu’elle articule l’expérience de l’oppression coloniale avec les structures impérialistes qui la soutiennent, elle devient une cible prioritaire.
Nous souhaitons un bon retour à Mahmoud Khalil auprès de sa famille et de ses proches. Que leurs retrouvailles aient la douceur du miel.
Nous n’oublions aucun·e de nos prisonnier·es : les plus de 10 400 Palestinien·nes enfermé·es dans les prisons sionistes, et toutes celles et ceux détenu·es dans les geôles impérialistes et des régimes réactionnaires arabes. Puissions nous bientôt célébrer leur retour parmi nous, puissent les prisonnier·es palestinien·nes voir les murs des prisons sionistes s’écrouler, et leur pieds fouler la terre d’une Palestine libérée de l’oppression, de l’impérialisme et du sionisme, de la mer au Jourdain.
En savoir plus sur Samidoun : réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens
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