Samidoun Belgique : De la répression des mouvements populaires

La semaine dernière, le gouvernement fédéral belge a adopté un projet de loi dont le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) dit qu’il mettra enfin « un terme aux organisations extrémistes et radicales ». Bien qu’il ne s’agisse que d’un premier pas d’une longue procédure juridique, De Wever a déclaré que la loi était dirigée contre Samidoun, Code Rouge et toute autre organisation « encourageant la violence », et qu’elle faciliterait la dissolution de ces organisations.

Le projet de loi succède au rapport éventé de l’OCAM qui décrit les récentes actions de masse de Code Rouge et de Stop Arming Israel (Cessez d’armer Israël) comme marquant une transition de l’activisme climatique pacifique vers la violence extrémiste. Une transition dont le rapport prétend qu’elle a été dirigée par des organisations d’extrême gauche telles que Les Soulèvements de la Terre, Gauche Anticapitaliste et des activistes climatiques participant aux manifestations pour la Palestine.

La violence extrémiste en question ? Le démantèlement des infrastructures et matériaux appartenant à la multinationale de l’agro-business Cargill et à l’entreprise sioniste Elbit Systems, toutes deux responsables de la destruction à une échelle gigantesque de la nature et de sociétés du monde entier. Et le soutien politique à la résistance palestinienne, qui continue de défendre la Palestine contre un État génocidaire qui a cherché à occuper et à nettoyer ethniquement les Palestiniens au cours des 77 années écoulées.

Loin d’être un accident, la nouvelle vague de répression répond à l’intensification de la famine fabriquée de toutes pièces par Israël. Une famine dont les 2,2 millions d’habitants de Gaza entrent maintenant dans son « cinquième stade », celui où la population tout entière est confrontée à la mort par affamement.

Au lieu d’exercer des pressions sur Israël pour qu’il permette à l’aide d’entrer à Gaza, le gouvernement fasciste « Arizona » a lancé une campagne médiatique qui détourne l’attention de la violence génocidaire à Gaza sur la « menace » de violence extrémiste en Belgique. Une stratégie qui cherche à convaincre le public que le soutien politique à la résistance armée  ou le recours au vandalisme est plus violent que la participation de la Belgique à un génocide.

Ceci nous montre bien que le gouvernement est moins préoccupé par une menace accrue de la violence qu’il ne l’est de soumettre les dissensions.

C’est loin d’être un hasard si l’État reconnaît la perte de sa légitimité en continuant de soutenir un régime génocidaire et qu’il envisage désormais la nécessité de recourir à la force brutale et à une propagande flagrante pour protéger son pouvoir. Vu sous cet angle, le cadre légal proposé doit être perçu comme posant les bases d’un accroissement de la répression et des poursuites à l’encontre des mouvements populaires qui menacent l’emprise des fascistes sur le pouvoir.

Une répression qui bâtit sur la violence et la persécution des manifestants propalestiniens à la Bourse, sur le racisme systémique et sur l’histoire coloniale de la Belgique. 

Les protestations, dirigées par un groupe de jeune Gazaouis vivant en Belgique et organisés au sein du Collectif Ahrar, ont fait de la Bourse un endroit où les gens peuvent se rassembler pour exprimer leur indignation contre le génocide et la complicité européenne. Un endroit où le peuple belge peut faire entendre sa solidarité avec le peuple palestinien et sa résistance. En réponse, ils ont été brutalement réprimés par la police en de multiples occasions, des réfugiés palestiniens ont dû être hospitalisés, ont été arrêtés et menacés de déportation. Des arrestations qui font partie d’une déjà très longue tentative, mais toujours avortée, en vue de réduire les protestations au silence et de cibler les Palestiniens en leur intériorité même.

Les arrestations violentes reflètent un contexte élargi de police raciste et de violence étatique. Parallèlement aux arrestations violentes des manifestants de la Bourse, la police belge a tué quatre personnes, dont Fabian, un garçon de 11 ans, Christophe Amine, Jidel et, récemment, un jeune de 19 ans dont le nom n’a pas été révélé. Ces morts s’ajoutent à une liste sans cesse croissante de personnes assassinées par les forces policières de la Belgique.

Quand elle a été confrontée aux pleurs des familles de ses victimes lors de la Marche Blanche pour Fabian, la police a recouru à une violence encore accrue en déployant ses forces antigang équipées de pistolets à flash-ball afin de disperser la marche manu militari.

Dans ce contexte plus large, nous commençons à comprendre comment prend forme la répression  étatique et comment nous pouvons lui résister. D’une part, l’État se sert d’allégations de violence pour légitimer ses interventions par la violence. Des allégations qui tentent de justifier légalement et moralement la répression, tout en détournant l’attention des gens de la mort et de la destruction dont profitent les entreprises et l’État lui-même. D’autre part, il cible les bases populaires de nos mouvements en opérant une fausse division entre les « bons manifestants » et les « mauvais manifestants ». Une division qui s’appuie sur la propagation de l’idée que l’État et les marchands de guerre peuvent en arriver à respecter la vie humaine et la nature si nous protestons selon leurs propres termes.

Dans le mouvement propalestinien, cette division a débouché sur le fait que des partis et organisations se sont distanciés des « mauvais manifestants » confrontés à la répression, pensant que cela les protégerait. Une stratégie à travers laquelle nous avons vu que la liste des personnes et des organisations confrontées à la répression s’allongeait constamment au fil du temps.

La même chose se produit aujourd’hui au sein du mouvement climatique, avec des politiciens et organisations qui ont précédemment soutenu Code Rouge et qui désormais prennent leurs distances. Alors qu’ils le font en pensant que cela les protégera de la répression étatique, il est temps que nous reconnaissions que l’État ne cessera que lorsque chaque collectif, organisation et mouvement menaçant l’élite au pouvoir et ses profits de la guerre et de la destruction, aura été dissous.

Plutôt que d’être intimidés, les membres d’Ahrar, de Code Rouge et des nombreuses autres organisations qui continuent de mobiliser tout en étant ciblées par l’État, nous montrent comment la répression à laquelle ils sont confrontés ne parvient qu’à renforcer leur résistance et leur détermination.

En dépit de la violence incessante, des arrestations et des menaces de déportation, les protestations de la Bourse se poursuivent chaque jour. Et, depuis la publication du rapport de l’OCAM, Code Rouge n’a montré aucun signe de fléchissement, mais a déclaré en lieu et place : « Même si les activistes parvenaient à mette la main sur les nombreux F35 de l’État et à bombarder la merde de Cargill, les dégâts ne seraient encore rien comparés aux dégâts que cette société occasionne quotidiennement. »

Ils montrent clairement que notre pouvoir n’est pas enraciné dans l’envoi d’appels à l’État belge et aux entreprises qu’il protège, mais dans notre pouvoir collectif d’organiser un mouvement populaire que l’État ne peut ni ignorer ni supprimer. Un mouvement qui mobilise quand ses camarades sont ciblés, adressant ainsi un signal clair à l’État et à la police : Si vous venez pour l’un d’entre nous, vous venez pour nous tous.

Nous nous dressons en solidarité avec nos camarades d’Ahrar, de Code Rouge, de Les Soulèvements de la Terre, de Stop Arming Israel et de tout autre mouvement populaire confrontés à la répression étatique et à la violence policière.


En savoir plus sur Samidoun : réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens

Subscribe to get the latest posts sent to your email.