Deux prisonniers palestiniens en grève de la faim pour leur libération immédiate


Khalil Awawdeh est en grève de la faim depuis 78 jours (au moment où nous écrivons cet article). Papa de 4 filles, il est âgé de 40 ans et il est originaire du village d’Ithna au nord ouest d’Hebron en Cisjordanie.

À l’origine destiné à des études de médecine à l’étranger, il intègre finalement un cursus d’ingénieur à l’Université Polytechnique de Palestine (Al Khalil/Hébron). Il est arrêté une première fois en 2002 au début de ses études avant d’être relâché en 2007. La même année, il est de nouveau arrêté et passera 33 mois en détention administrative. Il sera plusieurs fois arrêté ensuite, l’occupation s’acharnant contre lui.

Après sa dernière incarcération, il avait commencé un cursus d’économie à l’Université Ouverte d’Al-Quds. Mais son arrestation sur un check-point le 27 décembre 2021, et sa détention administrative mettront un terme à ses études.

Lors de cette grève de la faim, qui dure depuis plus de 2 mois maintenant, il a été transféré plusieurs fois. D’abord incarcéré à la prison d’Ofer en Cisjordanie, où il était en isolement, il a été transféré à la clinique-prison de Ramleh un peu avant son 40ᵉ jour de grève de la faim. À ce moment-là il souffrait déjà de plusieurs problèmes de santé, mais l’administration pénitentiaire refusait de le transférer dans un hôpital public. Les docteurs de la clinique prison précisant qu’il le serait uniquement lorsqu’il aurait perdu connaissance et pas avant (d’après une lettre écrite par Khalil Awawdeh), estimant que son cas n’était pas assez critique pour motiver son transfert.

Puis au bout du 63ᵉ jour, il a été transféré à l’hôpital civil Shamir (anciennement Assaf Harofeh, situé à Be’er Ya’akov au sud-est de Tel Aviv).

L’occupation l’a désormais réintégré à la prison de Ramleh, où il ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Selon son avocate, Ahlam Haddad, et le Palestinian Prisoners Society, il souffre actuellement de fatigue et d’épuisement sévères, de maux de têtes prononcés, de fortes douleurs dans tout le corps et de problèmes de vision et de concentration. Ce sont cumulés à cela des vomissements sévères qui l’ont empêché de boire de l’eau pendant plusieurs jours.

Son transfert dans un hôpital civil est conditionné par l’administration pénitentiaire à une prise de compléments alimentaires, et d’examens médicaux ce qu’il refuse.

L’administration pénitentiaire fait pression sur lui et ses conditions de détention sont très dures. Il subit des violences psychologiques et des abus pour le pousser à abandonner son combat. Toujours selon le Palestinian Prisoners Society, il a passé 40 jours sans pouvoir se laver et changer de vêtements.

Il aurait actuellement perdu environ 20kg depuis le début de sa grève de la faim.

Rassemblement de soutien avec Khalil Awawdeh
Rassemblement de soutien avec Khalil Awawdeh

Âgé de 27 ans, Raed Rayan est originaire du village de Beit Daqou, au nord ouest de Jérusalem. Il est arrêté une première fois en Juin 2019, et passera 21 mois en détention administrative. Il est libéré en avril 2021.

Sept mois après sa libération, le 3 novembre 2021, il est de nouveau arrêté lors d’un raid de l’armée sur sa maison. Il est alors incarcéré à Ofer en détention administrative pendant 6 mois, avant que les tribunaux militaires ne la prolongent pour 4 mois supplémentaires. Pour protester contre cette décision, et réclamer sa mise en liberté, il démarre une grève de la faim le 6 avril 2022. Au moment où nous écrivons ces mots, cela fait 43 jours qu’il a cessé de se nourrir. Depuis le début de sa grève de la faim, il n’a pas reçu de visite médicale. Il souffre de maux de têtes, de douleurs dans tout le corps et a des difficultés à marcher.

Une dame portant un portrait de Raed Rayan durant un rassemblement de soutien aux détenus palestiniens

La détention administrative

 

La détention administrative permet à l’armée israélienne de détenir une personne sans charge ni procès, sur la base de preuves et d’informations dites secrètes. La durée de la détention est fixée à 6 mois maximum, mais elle peut être renouvelée indéfiniment, certains prisonniers pouvant passer plusieurs années incarcérés sous ce régime.

Les preuves et informations ayant motivé un placement en détention administrative sont tenus secrètes par l’armée et les tribunaux de l’occupation. Concrètement, cela signifie que ni l’accusée ni l’avocat n’ont accès à l’intégralité du dossier. Ajoutons à cela que l’administration a le pouvoir d’interdire le recours à un avocat pour une durée allant jusqu’à 90 jours. Il leur est donc impossible de construire une défense solide et de réfuter les accusations des tribunaux.

Cela fait 140 jours que les détenus administratifs palestiniens boycottent les tribunaux de l’occupation. Sous le mot d’ordre « Notre décision est la liberté – non à la détention administrative », ils protestent contre leur incarcération et leurs conditions de détention.

Selon Addameer, une ONG palestinienne de défense des droits des détenu·e·s, l’occupation a émis 5728 ordres de détention administrative contre des Palestiniens de Cisjordanie, Gaza et Jérusalem Est entre 2017 et 2021. Rien qu’en 2021 on comptait 1695 ordres de détention. Le dernier recensement mensuel de l’ONG faisait état en mai de 530 détenus administratifs. On estime qu’ils sont aujourd’hui plus de 600, suite aux arrestations massives qui ont eu lieu en Cisjordanie et sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem.

Nous attirons également l’attention sur le cas de Bashir Al Khairy, avocat, défenseur des droits humains palestiniens et leader de gauche âgé de 80 ans, dont la détention administrative a été prolongée pour 6 mois supplémentaires. Après avoir passé plus de 17 ans dans les prisons de l’occupation. C’est une nouvelle attaque que subit Al Khairy. Cette détention est un moyen de museler la résistance palestinienne, dont il est l’un des nombreux représentants.

Les Prisons en question :

 

Ofer : Prison, centre de détention et tribunal militaire

Le site, utilisé comme centre de détention à partir de 2002, a été construit sur un terrain exproprié du village de Beitunia en Cisjordanie, à seulement 4 kilomètres de Ramallah.
Temporairement fermé pendant une courte période, il a été rouvert avec de nouvelles sections de détention lors de l’invasion israélienne des villes de Cisjordanie en 2002 en raison du nombre élevé de prisonniers et de détenus arrêtés. En plus des prisonniers, il y a également des détenus administratifs et des mineurs incarcérés entre les murs de cette prison. L’ancien tribunal du complexe de colons « Beit El Settlement Compound » a été transféré à Ofer. C’est dans cette prison qu’est incarcéré l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri.

La prison d’Ofer

Ramleh :

A l’origine, le Ramleh Palace est créé en 1934 sous le mandat britannique, puis converti en centre militaire pour l’armée israélienne en 1948. En 1953, une section du Palais a été désignée comme prison pour incarcérer des Palestiniens. À partir de 1967, le bâtiment entier a été converti en prison pour les criminels juifs et les prisonniers palestiniens, en particulier ceux de la région de Jérusalem.

On considère les prisonniers de Ramleh comme des précurseurs dans le recours aux grèves de la faim comme moyen de lutte contre l’administration pénitentiaire israélienne et l’occupation. En 1968, les prisonniers de Ramleh annoncent une grève de la faim massive. Leur principale demande : la fin des abus physiques, et leur déplacement de la caserne de la prison où ils étaient exposés à la pluie et aux égouts. Au milieu de l’année 1968, une deuxième grève de la faim est lancée, pour exiger l’autorisation des cahiers et stylos dans les cellules. C’est un succès, les autorités pénitentiaires acceptent la demande. La prison de Ramleh sert en quelque sorte de site de transit entre toutes les autres prisons. Les détenus sont généralement transférés ici avant de partir pour une autre prison.

C’est un complexe pénitentiaire contenant plusieurs structures :
– Hôpital de la prison de Ramleh : il s’agit d’une section de la prison associée à l’administration des services pénitentiaires israéliens, dont le but déclaré est de traiter les prisonniers malades. Mais elle manque d’équipement médical de base, un transfert vers des hôpitaux civils est nécessaire lorsque les cas sont critiques.
– Prison d’Avalon
– Prison de Neve Tirza
– Prison de Nitzan

Samidoun Région Parisienne appelle à se mobiliser pour la libération de ces deux prisonniers palestiniens en grève de la faim et plus largement pour la libération immédiate des 4450 prisonnières et prisonniers palestiniens. Exiger leur libération, c’est soutenir la légitimité de la résistance palestinienne pour le retour et la libération de la Palestine de la mer au Jourdain !

 

Ressources :

 

https://www.addameer.org/prisons-and-detention-centers
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/04/israel-opt-palestinian-administrative-detainees-complete-100-days-of-boycotting-israeli-courts/
https://plateforme-palestine.org/Infographie-la-detention-administrative
https://english.almayadeen.net/news/politics/prisoners-awawdeh-rayan-continue-their-open-hunger-strike
https://english.almayadeen.net/news/politics/popular-front-calls-for-campaign-in-solidarity-with-palestin
https://english.almayadeen.net/infograph/what-happens-to-the-human-body-during-a-hunger-strike
http://french.wafa.ps/Pages/Details/201545?fbclid=IwAR3pe3OMPhsYIGAYGyDOuPkOp2GjDwW9mjooZGcfr-GntNMUCdLCVKHyw7s
https://ppsmo-ps.translate.goog/home/news/2904?culture=ar-SA&_x_tr_sl=ar&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=wapp