Hommage à Ibrahim Al Nabulsi, le lion de Naplouse

Ibrahim Al Nabulsi est un enfant de Naplouse, il nait en 2003, lors de la seconde Intifada. À cette période, Naplouse est une ville ravagée par les raids et attaques de l’armée israélienne. Elle compte avec douleur ses habitants tombés en martyrs pour défendre la ville, et constate les dégâts matériels laissés par les chars, les bombes, les bulldozers et autres soldats coloniaux.

À l’âge de 15 ans, recherché par Israël, il est arrêté avec deux amis d’enfance par l’Autorité Palestinienne. En détention, ils subissent des violences physiques qui les marqueront profondément.

À leur sortie, ils intègrent les Brigades de Naplouse.

Les Brigades de Naplouse vont se créer sur le modèle des Brigades de Jenine. Ces groupes sont trans-partisans et regroupent des jeunes de différentes familles politiques qui choisissent de combattre ensemble, les armes à la main, pour la libération de leur peuple. Ils bénéficient d’un large réseau de caches et de tunnels parcourant la vieille ville.
Très vite, le groupe devient une priorité des forces d’occupation. L’opération “Break the wave” est lancée sur la ville au début de l’année 2022 pour éliminer la brigade. Une campagne de raids, de meurtres et d’exécutions extra judiciaires débute alors. Car ces résistants, fils, pères, cousins et enfants de Naplouse bénéficient d’un soutien sans faille auprès de la population. Un soutien populaire qui fait trembler l’armée coloniale.

Le 8 février 2022, les forces d’occupation, en infiltration dans la ville de Naplouse, tendent une embuscade à une voiture transportant Ashraf Mubasalat, Mohammad Dakhil et Adham Mabrouka. Un déluge de plusieurs dizaines de balles s’abat sur le groupe d’amis qui meurent sur le coup. Ces trois jeunes hommes sont des résistants, membres des Brigades de Naplouse. Mais surtout, ce sont des amis d’enfance d’Ibrahim, et deux d’entre eux étaient avec lui lors de son incarcération. Après le meurtre de ses trois compagnons, Ibrahim apprend qu’il est, lui aussi, activement recherché par les forces d’occupation et qu’il vient d’échapper in extremis à son exécution.

Après le meurtre de ses trois amis, Ibrahim devient une des cibles principales de l’armée coloniale qui se lance alors dans une traque acharnée contre le Lion de Naplouse et ses camarades des Brigades de Naplouse. Malgré tout, comme à son habitude et comme il le fera jusqu’à son martyr, il n’est pas rare de le voir se balader dans la vieille ville, prenant le temps de saluer les gens et de leur parler.

Le jour du cortège funéraire de ses trois amis, alors qu’il est activement recherché, il perce la foule pour saluer une dernière fois ses frères d’armes. Cette apparition publique, comme un défi à la machine de guerre coloniale et à ses services secrets, forge un peu plus sa légende.

À l’aube du 24 juillet 2022, les habitants du quartier d’Al Yasmina sont réveillés par d’intenses coups de feu. L’armée coloniale a lancé une opération contre une maison de la ville qui abriterait des résistants. Pendant plus de 5h, les soldats sionistes criblent la maison de balles et d’explosifs. Les résistants leur tiennent tête, aidés par leurs réseaux de tunnels parcourant toute la ville. Malgré tout, les forces d’occupation ont le dessus, et deux membres éminents des Brigades de Naplouse, considérés comme fondateurs de la future “Fosse aux Lions” tombent en martyrs : Muhammad al-Azizi et Abdul Rahman Subuh. Ibrahim présent sur les lieux parvient à s’échapper une nouvelle fois. Son apparition publique lors du cortège funéraire fait l’effet d’un coup de tonnerre. Entouré de son peuple, le fusil à la main, il transperce la foule pour porter les linceuls de ses amis. La tête droite, le regard perçant, rien ne pouvait plus détourner le résistant de son destin.

Le mardi 09 aout, au petit matin, l’armée israélienne lance un nouveau raid sur Naplouse. Des affrontements éclatent avec des habitants et plusieurs dizaines d’entre eux sont blessés. Au même moment, les forces d’occupation encerclent un pâté de maisons dans la vieille ville. À l’intérieur, Ibrahim Nabulsi et un camarade, Islam Subuh. Les deux combattants refusent de se rendre, et choisissent de résister. L’armée coloniale se déchaine sur la maison, la criblant de balles et finissant par la détruire au lance-missile. Les murs explosent sous la violence du choc. Malgré leur résistance courageuse, les deux frères d’armes tomberont en martyrs sous les balles coloniales.

Le même jour, Hussein Jamal Taha, 16 ans, est touché d’une balle en plein cœur par les soldats israéliens lors des affrontements qui ont éclaté dans la ville.

“Je vous aime tellement. Si je suis martyrisé, les gars : j’aime ma mère. Prenez soin de la patrie après mon départ, et ma dernière volonté pour vous, sur votre honneur : ne lâchez pas le fusil — sur votre honneur. Je suis encerclé et je vais vers mon martyre. Priez pour moi”.

Voici les derniers mots d’Ibrahim, issus d’un enregistrement vocal envoyé alors qu’il était encerclé par les soldats de l’occupation. Ces mots, “ne lâchez pas le fusil” résonneront fortement auprès de toute la jeunesse palestinienne, en Palestine historique et dans la diaspora.

Peu de temps après sa mort, ses camarades annonçaient la création d’un nouveau groupe : “Lions’ Den”, “La Fosse aux Lions”. Aboutissement des Brigades de Naplouse, il s’agit comme elles d’un groupe regroupant des jeunes de différentes familles politiques, unis dans la lutte de libération nationale.