Bachir Ben Barka, fils du leader révolutionnaire marocain Mehdi Ben Barka disparu à Paris le 29 octobre 1965, a adressé ce message de solidarité à l’occasion de la Marche pour le retour et la libération à Bruxelles organisée le 29 octobre 2022 par la Voie alternative révolutionnaire palestinienne (Masar Badil) :
Au nom de l’Institut Mehdi Ben Barka – mémoire vivante, je salue votre rassemblement qui se tient dans le cadre de « la Marche du retour et de la libération de la Palestine ». Cette action est l’occasion d’affirmer le soutien indéfectible des forces progressistes et démocratiques à travers le monde au juste combat du peuple palestinien de défendre et réaliser ses droits et ses aspirations nationales. Combat qui se manifeste par sa résistance sous toutes les formes à l’occupation coloniale, par sa résistance au régime d’apartheid de l’Etat sioniste, par sa résistance au blocus inhumain de Gaza, par sa résistance qui s’organise jusque dans les prisons sionistes. Permettez- moi de transmettre à travers vous au vaillant peuple palestinien toute ma solidarité.
J’aurais souhaité participer avec vous à cette Marche mai, comme vous l’avez souligné dans votre appel, le 29 octobre marque une date importante dans l’histoire du combat des peuples pour leur émancipation et leur progrès. Il y a cinquante-sept ans, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka était enlevé à Paris. Aujourd’hui encore, la vérité n’a toujours pas été établie sur les conditions exactes de la disparition de l’un des principaux responsables de l’opposition marocaine et symbole du mouvement international de la solidarité des peuples du tiers-monde. Au moment de son enlèvement, il présidait le comité préparatoire de la Conférence Tricontinentale de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine qui devait se tenir à La Havane en janvier 1966. Depuis, chaque année, le 29 octobre, un rassemblement pour la vérité, la mémoire et la justice se tient devant les lieux où a eu lieu le crime.
Les responsabilités du pouvoir marocain à l’origine de l’enlèvement d’une éminente personnalité de l’opposition et d’un leader du tiers-monde se situent au plus haut niveau de l’état et sont indéniables.
Les implications et les complicités néocoloniales, impérialistes et sionistes au niveau des services de renseignement de la France, d’Israël et des Etats-Unis sont elles aussi indéniables et avérées.
Cette action criminelle s’inscrit dans le cadre de ce qui est appelé « les années de plomb » pendant lesquelles la seule réponse apportée aux luttes populaires pour la démocratie, la justice sociale et la dignité sont la répression, les enlèvements, les tortures et les éliminations physiques.
Des agents des services secrets marocains sont allés en France recruter l’équipe chargée de l’enlèvement. Le service de renseignement français, le SDECE (aujourd’hui la DGSE) a suivi de très près les préparatifs de l’opération criminelle, sans rien faire pour l’empêcher. La CIA américaine disposait d’agents à demeure dans les locaux des services secrets marocains à Rabat et était inquiète de la tenue de la conférence Tricontinentale à La Havane que préparait Mehdi Ben Barka et qui avait pour but d’organiser la solidarité internationale en particulier contre les agissements des États Unis en Amérique latine et au Vietnam.
Le Mossad israélien a servi de point d’appui logistique pour les services secrets marocains, en contrepartie des enregistrements fournis par le roi Hassan II à Israël des réunions à huis clos des chefs d’Etats arabes au Maroc en 1965 lors d’un sommet stratégique. C’était aussi pour son propre compte qu’Israël souhaitait se débarrasser d’un responsable politique qui avait dénoncé la pénétration sioniste en Afrique auprès des régimes de l’apartheid sud-africain et des colonies portugaises. Dans une conférence au Caire, organisée par la centrale étudiante palestinienne la GUPS en avril 1965, Mehdi Ben Barka avait déclaré que « la question palestinienne fait partie intégrante des problèmes du mouvement mondial de libération en Afrique, Asie et Amérique latine. C’est un mouvement révolutionnaire arabe contre les machinations impérialistes … ». Voilà la raison profonde de la complicité du régime marocain inféodé aux intérêts néocoloniaux et impérialistes et l’Etat sioniste pour éliminer un leader du tiers-monde. Aujourd’hui, la honteuse normalisation entre le Maroc et Israël dans les domaines politiques, économiques, militaires et sécuritaires, ne fait qu’entériner des liens criminels entre les deux régimes noués depuis longtemps. C’est un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et une insulte aux sentiments du peuple marocain qui partage profondément la cause et les aspirations palestiniennes.
Pour conclure, et en souhaitant tout le succès à la Marche, permettez-moi de reprendre les paroles de Mehdi Ben Barka en 1965 : la cause palestinienne doit compter sur la solidarité et l’appui des forces progressistes et révolutionnaires en Afrique et dans le monde.
Vive la solidarité internationale avec la Palestine et son peuple.
Bachir Ben Barka