De Ghassan Kanafani à Walid Daqqah : Assassinat, impérialisme, résistance et révolution

À l’occasion du 51e anniversaire de l’assassinat du dirigeant révolutionnaire, intellectuel, écrivain et artiste palestinien Ghassan Kanafani et de sa nièce Lamis Najem, par une voiture piégée du Mossad en 1972 à Beyrouth, l’orientation révolutionnaire de Kanafani, son regard critique et l’attention qu’il portait aux forces populaires et à la classe ouvrière de Palestine sont peut-être plus pertinents aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été.

Nous célébrons cet anniversaire alors que la résistance dans le camp de réfugiés de Jénine a fait reculer la machine de guerre destructrice de l’occupant, alors que les fils et les filles des classes populaires palestiniennes s’organisent, luttent et résistent dans les villages, les camps et les prisons de la Palestine occupée, dans les camps de réfugiés autour de la terre occupée, et partout en exil et dans la diaspora. Et à cette occasion, on comprend pourquoi le régime sioniste l’a pris pour cible – et la politique qu’il représentait – pour le tuer.

Ghassan Kanafani a été la cible d’un assassinat dans le cadre d’une politique globale du régime sioniste visant à éliminer les dirigeants, les porte-parole et les voix révolutionnaires du mouvement de libération palestinien, une politique qui se poursuit encore aujourd’hui. L’assassinat de Kanafani a été suivi par celui de Mahmoud Hamshari, Basil Kubaisi, Wael Zuaiter, Kamal ‘Udwan, Mohammed Yousef al-Najjar, Kamal Nasser, Mohammed Boudia et bien d’autres, une politique qui s’est poursuivie avec l’assassinat de Wadie Haddad, Khaled Nazzal, Abu Jihad, Fathi Shiqaqi, Abu Ali Mustafa, Abdel-Aziz Rantisi, Sheikh Ahmed Yassin, Samir Kuntar, Basil al-Araj et bien d’autres. Qu’il s’agisse des drones Elbit utilisés à Gaza et à Jénine pour assassiner les dirigeants et les résistants d’aujourd’hui, ou du ciblage continu des scientifiques iraniens et arabes qui servent les priorités nationales et la résistance, la politique d’assassinat est un pilier des stratégies de contrôle sionistes.

Le mouvement des prisonniers palestiniens n’échappe pas à la politique d’assassinat. De l’assassinat sous la torture d’Ibrahim al-Rai à la négligence médicale systématique dont sont victimes les prisonniers palestiniens aujourd’hui, le régime d’occupation n’a pas besoin d’une “peine de mort” dans la loi pour réprimer les prisonniers palestiniens en vue de leur assassinat. Il y a tout juste deux mois, le cheikh Khader Adnan, gréviste de la faim palestinien et dirigeant du mouvement des prisonniers, s’est vu systématiquement refuser un traitement médical à son 86e jour de grève de la faim : un assassinat derrière les barreaux. Le régime d’occupation continue de détenir son corps.

En ce moment même, un révolutionnaire, intellectuel et écrivain palestinien se trouve derrière les barreaux et fait face à la politique d’assassinat du projet sioniste : Walid Daqqah. Comme Kanafani, le rôle de Daqqah dans le mouvement de libération palestinien, et le mouvement des prisonniers en particulier, s’étend du politique à l’intellectuel, engagé dans un projet révolutionnaire pour la libération de la Palestine. Walid Daqqah est emprisonné depuis plus de 37 ans pour son rôle dans la résistance palestinienne en 1986. Aujourd’hui, comme l’ont écrit des éditeurs de gauche dans le monde dans une déclaration demandant sa libération :

“Il est la voix du peuple, une voix que l’occupation craint et espère faire taire. Mais bien que son corps soit derrière les barreaux, sa voix s’est libérée grâce à ses romans, ses essais et ses lettres, qui ont nourri et motivé le mouvement des prisonniers palestiniens, la résistance et le mouvement de solidarité internationale dans toutes les parties du monde”.

On lui a diagnostiqué une myélofibrose, un cancer rare de la moelle osseuse qui nécessite un traitement spécialisé, notamment une greffe de moelle osseuse. Depuis décembre 2022, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral, a développé une pneumonie, a subi une ablation chirurgicale d’une partie de son poumon et a été victime de multiples infections, tout cela alors qu’on lui refuse les soins et la liberté dont il a besoin.

Bien que sa peine ait expiré le 24 mars 2023 et qu’il purge actuellement une peine de deux ans pour contrebande de téléphone portable, il s’est vu refuser à plusieurs reprises une libération anticipée par de multiples tribunaux et commissions d’examen sionistes, alors même qu’il continue d’être transféré entre des hôpitaux civils et la tristement célèbre clinique de la prison de Ramleh, surnommée “l’abattoir” par les prisonniers palestiniens. Sa famille a déclaré que ces décisions constituaient une “autorisation d’exécution” et, en effet, nous assistons à la mise en œuvre de la politique sioniste d’assassinat en temps réel au sein du système pénitentiaire, avec l’arme de la négligence médicale.

A l’occasion du 51ème anniversaire de l’assassinat de Ghassan Kanafani, il est temps d’agir pour libérer Walid Daqqah et stopper le dernier assaut du régime d’occupation. Kanafani, un internationaliste convaincu, a appeler tout le monde à affronter l’impérialisme partout, comme le font les militants de Palestine Action en Grande-Bretagne, qui luttent contre l’emprisonnement pour démanteler la machine de guerre sioniste, une bataille soutenue par le mouvement des prisonniers palestiniens. Les puissances impérialistes sont partenaires des crimes commis contre Walid Daqqah, contre tous les prisonniers palestiniens et contre le peuple palestinien dans son ensemble – c’est pourquoi les actions menées partout sont d’une importance cruciale. Le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun demande instamment à tous de se joindre aux événements organisés par le Mouvement de la jeunesse palestinienne du 7 au 15 juillet, et développer la lutte pour libérer Walid Daqqah – pour honorer Ghassan Kanafani, et pour empêcher l’assassinat d’un autre révolutionnaire palestinien dans la ligne de mire de l’occupant.

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Ghassan Kanafani, résistance et révolution

Né à Akka en Palestine le 9 avril 1936, Ghassan Kanafani a été exilé de force de Palestine avec sa famille lors de la Nakba de 1947-48, d’abord au Liban puis en Syrie. Après avoir été renvoyé de l’université de Damas pour des raisons politiques, il a enseigné au Koweït avant de retourner à Beyrouth dans le cadre du Mouvement nationaliste arabe (MNA), le mouvement révolutionnaire panarabe fondé par le Dr George Habache. Le MNA s’est transformé en Front populaire de libération de la Palestine, que Kanafani a cofondé, devenant le rédacteur en chef du magazine Al-Hadaf et un porte-parole international du Front.

Tout en servant la révolution en tant que dirigeant et représentant politique, il a également conçu et dessiné un grand nombre des premières affiches politiques du Front. Marxiste-léniniste révolutionnaire, Kanafani s’est beaucoup inspiré des mouvements de libération arabes, africains et asiatiques, et a joué un rôle majeur dans l’élaboration de la “Stratégie de libération de la Palestine”.

Kanafani était un intellectuel révolutionnaire, le premier à utiliser le terme “littérature de résistance” pour décrire les écrits palestiniens, alors même qu’il les produisait. Son écriture créative, parallèlement à son travail politique, a mis en lumière les luttes et le potentiel révolutionnaire des classes ouvrières et populaires palestiniennes, tout comme ses études et son analyse politique. Tout au long de son travail d’écriture, d’édition et de mentorat, il est resté un révolutionnaire engagé et un organisateur déterminé à vaincre le sionisme, l’impérialisme et les forces réactionnaires arabes qui servent les intérêts des premiers, et à libérer toute la Palestine de la mer au Jourdain.

Cependant, la vision révolutionnaire de Kanafani ne se limitait pas aux frontières de la Palestine. C’était un révolutionnaire arabe, dévoué à l’unité et à la libération des Arabes, de l’océan au Golfe, avec un vif intérêt pour le développement des forces arabes dans toute la région afin d’affronter l’impérialisme et de parvenir à une véritable autodétermination et à la libération. Kanafani et ses camarades ont suscité et nourri la résistance arabe du Liban à Oman, faisant émerger des révolutionnaires comme Georges Abdallah, emprisonné en France depuis plus de 38 ans. Aujourd’hui, la résistance montante dans l’ensemble de la nation arabe et plus largement dans la région, en particulier la résistance libanaise qui a chassé l’occupant en mai 2000, continue d’indiquer la voie nécessaire à la victoire pour la Palestine et pour l’ensemble de la région.

Ghassan Kanafani était un internationaliste convaincu, un marxiste-léniniste qui a contribué à façonner les relations fondamentales du Front dans les années 1960 et 1970 avec les mouvements africains, asiatiques et latino-américains, ainsi qu’avec les forces révolutionnaires émergentes en Europe, au Japon et dans l’ensemble du centre impérialiste.

La célèbre citation de Kanafani sur l’internationalisme reste un appel urgent à l’action aujourd’hui : “L’impérialisme a étendu son corps sur le monde, la tête en Asie de l’Est, le cœur au Moyen-Orient, ses artères atteignant l’Afrique et l’Amérique latine. La cause palestinienne n’est pas une cause pour les seuls Palestiniens, mais une cause pour tout révolutionnaire, où qu’il soit, en tant que cause des masses exploitées et opprimées de notre époque.”

L’œuvre de Kanafani n’est pas un artefact de l’histoire ou un exercice intellectuel, mais un appel à l’action et l’engagement révolutionnaires dans la culture, dans l’organisation politique, dans la résistance et la révolution, aux niveaux palestinien, arabe et international. Alors que nous nous souvenons aujourd’hui de Kanafani et que nous luttons pour mettre fin à la politique d’assassinat, il est clair que la voie à suivre est une approche révolutionnaire et anti-impérialiste. Il est également clair, plus que jamais, que la faillite de la voie de Madrid et d’Oslo, représentée par l’Autorité palestinienne et sa “coordination sécuritaire” avec le régime d’occupation, qui a abandonné Jénine aux envahisseurs tout en arrêtant et en emprisonnant les combattants de la résistance, est le même ennemi réactionnaire exposé dans les écrits politiques et créatifs de Kanafani, et exposé constamment par sa pratique politique et organisationnelle.

Comme l’écrit aujourd’hui Khaled Barakat, écrivain palestinien et cofondateur du Mouvement palestinien de la voie révolutionnaire alternative (Masar Badil) :

“Le 51e anniversaire du martyre de l’écrivain Ghassan Kanafani coïncide cette année avec la victoire du camp de Jénine dans la bataille apparemment impossible menée par les jeunes des Brigades… L’anniversaire coïncide avec la tente de la résistance dressée sur une haute colline du sud du Liban, en signe de victoire, diffusant la conscience, la lumière et le défi, et surplombant la Palestine occupée. C’est la tente de la résistance qui annonce le retour et la libération…

Le souvenir du martyre de Kanafani… vient dire : Quelque chose de grand est en train de naître dans les tunnels et les tentes de la vaillante résistance au sud du Liban, à Gaza et à Jénine, et il y a un pont et une étreinte qui s’étendent entre le sud du Liban et toute la Palestine : une petite tente, d’où naîtra le grand projet de libération arabe, de l’océan au Golfe”.

En cet anniversaire, la vision est claire, émergeant des camps, de la résistance et du mouvement des prisonniers, menant et combattant derrière les barreaux, et tous dirigés par les fils et filles de la classe ouvrière et des forces populaires : nous avons tous la responsabilité de relever le défi – de frapper l’impérialisme, de l’endommager et de servir une Palestine libérée et une révolution mondiale.

Ressources :