Hier, les tribunaux sionistes ont renouvelé la détention administrative de Layan Kayed, étudiante et militante au sein du Pole Étudiant Démocratique et Progressiste à l’Université de Birzeit, pour quatre mois supplémentaire.
Layan avait été arrêtée le 7 avril dernier chez elle, lors d’un raid sur les villes de Ramallah et sa périphérie. Le même jour Layan Nasir, une camarade et amie à elle, ancienne étudiante de l’université de Birzeit maintenant diplômée, elle aussi prisonnière libérée, avait également été arrêtée.
Ce n’est pas la première incarcération de Layan Kayed, qui avait déjà été arrêtée en 2020, et incarcérée pendant 16 mois, en raison de son militantisme dans sa fac. Elle a ensuite été ré-arrêtée en juin 2023 pour un total de 23 jours.
Layan Kayed est diplômée en sociologie et a écrit de nombreux textes, pour Metras notamment qui a publié une lettre à Maysoon Jabali, une de ses camarades de détention, doyenne des prisonnières palestiniennes, libérée lors de l’accord d’échange arraché par la résistance et la population de Gaza fin novembre. Elle y a également publié un article sur l’organisation des prisonnières dans la prison sioniste de Damon.
Un de ses textes les plus connus, “La prison comme un texte”, est un texte très métaphorique et philosophique qui décrit les sentiments des prisonnières devant le temps qui passe en détention. Elle y raconte également des scènes touchantes du quotidien dans les prisons sionistes.
“Nourhan place une chaise au milieu de la pièce pour coiffer Yasmine, qui lui décrit avec passion les changements survenus à Jérusalem. Aisha et Israa sont assises sur le seuil de la cellule, saluant celles qui se trouvent dans la cour en buvant du café. Malak se retourne dans sa nouvelle robe après avoir reçue la visite de sa mère ; Malak, dont le visage n’a pas été abimé par les vents de la vie, dont le visage est resté celui de l’enfance. Rawan, elle qui décrit la chose la plus futile qui se trouve devant ses yeux, et qui à travers ses mots se transforme en poésie sans qu’elle s’en rende compte. Anhar parcoure les lieux, posant sa main sur son ventre et sur son nouveau-né en attente. Shorouk célèbre son vingt-quatrième anniversaire en écrivant une lettre à sa mère. Khitam apprends aux filles à raccommoder leurs vêtements tout en écoutant leurs préoccupations.”
13 jours après son arrestation, un article était publié dans le journal Al Akhbar. Cet article, raconte comment Layan avait été impactée par l’annonce du martyr de deux de ses camarades à Gaza, et illustre la relation complexe qu’il existe entre les prisonnier•es et les martyrs.
“Layan était étonnée par la façon dont Ahmed, Abed [Les deux martyrs] et leurs compagnons considéraient les prisonniers, hommes et femmes, et elle a essayé de comprendre ce qui se cachait derrière l’image d’« héroïnes » qu’elle trouvait dans leurs écrits lorsqu’ils parlaient d’elle et de ses anciennes camarade de prison.”
Dans cet article, Layan décrit cette fracture qu’il existe entre les deux destins d’un même peuple, écartelé et déchiré par le colonialisme, à Gaza et en Cisjordanie. Elle explique, avec une émotion palpable, la tristesse infinie qu’elle ressent en se rappelant que depuis Gaza, ces camarades tenaient les prisonnier•es en haute estime, et qu’ils dédiaient une grande partie de leur énergie à relayer leurs histoires, à afficher leurs portraits, à les présenter comme des résistant•es qui luttaient avec courage dans les prisons coloniales :
“Nos martyrs à Gaza avaient une cause, et la question des prisonnier•es était pour eux une question centrale. Il y avait un étudiant universitaire nommé Abdul Rahman Tanani. Lors de l’attaque sioniste contre les universités de Cisjordanie en 2019, Abdul Rahman de Gaza avait fondé une page appelée « Taqaddi » pour publier les histoires des prisonniers et leurs récits. Il disait : « Derrière chaque arrestation, il y a beaucoup d’histoires… Comme c’est triste, nous transmettons toujours les nouvelles de l’arrestation d’un prisonnier de manière superficielle.» Et c’est normal… Le 18 octobre 2023, Abd al-Rahman a été martyrisé lors d’un raid sioniste, et la dernière chose qu’il a publiée sur son compte était : « Si nous mourons, souvenez-vous de nous, souvenez vous que nous ne sommes pas des chiffres. »
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“Avec le martyre d’Abed, Ahmed et d’autres amis, plus personne à Gaza ne nous connaîtra comme des « combattantes ». Oui, nous ne voulions pas être des héroïnes, mais pendant la guerre d’extermination à Gaza, que nous vivons ici à Ramallah en tant que spectatrices, c’était une consolation pour nous d’avoir quelqu’un qui nous connaisse là-bas à Gaza en tant que combattantes. Personne ne croira que nous n’étions pas que des spectateurs. Les derniers à croire que nous ne l’étions pas, nous avons été témoins de leurs assassinats.”
Pouvoir lire les textes des prisonnier•es politique est une chance, quelque chose de précieux. Car nous brisons de manière concrète l’isolement que l’État sioniste tente de leur imposer. En lisant ces quelques textes de Layan, sa pensée devient palpable, son combat politique et ses convictions, ses émotions, tout cela transpire de sa plume.
Il y a une semaine, la détention administrative de Layan Nasir, ancienne étudiante de l’université de Birzeit et prisonnière libérée, également militante du Bloc progressiste à l’époque de ses études, a été renouvelée.
Layan Nasir avait déjà été arrêtée en 2021 et avait passé 50 jours en détention. À l’époque, une grande campagne pour sa libération avait été organisée au niveau international.
Quatre autres étudiantes de l’université de Birzeit sont actuellement incarcérées dans la prison pour femmes de Damon : Shahad Owaida, militante au bloc progressiste de l’université, Amal Shujaia, et Wafa Nimr, toutes les trois en attente de jugement, ainsi que Mona Qasem Abu Hussein qui a été placée en détention administrative pour une durée de 3 mois.
[Edit : le mardi 6 aout aux environs de 17h, alors que nous publions cet article, Yara Abu Hashish a été libérée des prisons coloniales après 3 mois de détention administrative]
Aux côtés de ces étudiantes, deux universitaires et employées de l’université de Birzeit sont elles aussi incarcérées dans la prison coloniale de Damon : Khalida Jarrar, militante féministe, prisonnière libérée, ré-arrêtée le 26 décembre dernier et en détention administrative pour 6 mois, et Hadeel Shatara, arrêtée le 1 er juillet à son retour de voyage à la frontière avec la Jordanie et en détention administrative pour 5 mois.
Samidoun Paris Banlieue encourage toutes les organisations et militant•es étudiant•es à exprimer leur solidarité avec les étudiant•es palestinien•nes emprisonné•es par l’État sioniste, et plus généralement à redoubler d’efforts dans leur mobilisation en solidarité avec la Résistance Palestinienne et le peuple palestinien qui affrontent une offensive génocidaire depuis 10 mois maintenant à Gaza !